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Rusted
Shut
Rehab
Emperor Jones 2004 (CD) / Dull Knife 2013 (LP)
Hot Sex 12''
Dull Knife 2008
Dead - LP
Load 2009
Rusted Shut, un groupe originaire de Houston, Texas, cette partie des
Etats-Unis où les gens sont plus tarés que la moyenne américaine.
Une légende tenace mais à laquelle il faut bien encore une
fois souscrire à l'écoute de ce groupe qui vient de débarquer
à la face du monde sur l'incontournable label de Providence, Load
records. L'occasion de faire plus amples connaissances avec cette entité
mystérieuse qui n'en ait pas à son premier vomi.
Le mythe
veut que ce groupe existe depuis 1986, qu'il a ouvert à l'époque
pour Sonic Youth et les Swans. Comme il est impossible de vérifier
et que tout le monde semble d'accord, on va prendre ça pour argent
comptant. Il paraîtrait même que le couple à l'origine
du groupe et qui tient toujours la baraque frôle la cinquantaine,
ce qui est amusant quand on entend la violence du propos et la rage toute
juvénile qu'ils insufflent à leur terrible musique. Comme
quoi on peut être proche de la retraite et faire de la Jeunesse
Sonique, ce n'est pas contradictoire. Suivez mon regard. Ce qui est plus
sûr, c'est que Rusted Shut a attendu 2004 pour sortir son premier
disque, Rehab, qui est en fait une réalisation plus officielle
d'un CDr sorti l'année précédente par les propres
moyens du groupe qu'ils ont limités. Et tant qu'on parle d'auto-production,
Rusted Shut avait réalisé encore avant Rehab, un album self-titled,
on sait pas trop quand, on en a jamais vu la couleur mais dont le son
n'est pas difficilement trouvable pour ceux qui savent faire preuve de
pertinence sur le net. Alors comme on aime tendre vers l'exhaustivité
et parler de trucs qui n'intéressent personne, on va se fendre
d'un petit couplet sur ces treize mp3s.
En s'interrogeant pour commencer de la qualité de cette copie.
Mais vu la tronche des enregistrements suivants et leur amour pour tout
ce qui est crade, il ne faut pas s'étonner de cet enregistrement
compact, étouffé. Humeur 100% malsaine avec un mec qui crache
en boucle pendant sept minutes un Feelin' Bad persuasif en guise
d'introduction. On ne comprend rien aux autres paroles et c'est tant mieux.
Ça fuzz, ça grésille, ça larsen, vibre dans
tous les sens, la batterie rachitique ne connaît que la ligne droite
et pulse l'ensemble. Les titres aussi poétiques que Buy me a
Jesus, Abortion Of Our Mental State, Rat Fuck, Kill
ou Dig Your Own Grave en dit long sur la compassion de ce groupe
pour la race humaine. Cette musique cheap a l'élégance d'un
Brainbombs revisitant le répertoire de Drunks with Guns avec un
poil de leurs compatriotes texans de Stick Men with Ray Guns coincé
là où vous pensez. Jouissivement fétide. Une heure
à ce tarif, c'est plus efficace qu'une bonne injection létale.
L'oeuvre de destruction continue en 2004 avec Rehab. Avec une qualité
d'enregistrement plus conséquente, les dommages ne sont que plus
profonds. On ne les remerciera jamais assez pour ça. Une belle
musique d'enculés, attitude j'irai craché sur votre tombe.
Certains pensent que c'est la seule et unique bonne chose jamais sortie
de Houston. D'autres pensent qu'on ne peut décemment appeler ça
de la musique. L'habilité technique de ces musiciens - ou appelez
les comme bon vous semble - est certes proche du néant mais leur
venin, la rage suintante à chaque larsen, leur comportement nihiliste
balaient toutes analyses bien futiles. De l'acide qui, littéralement,
bouffe la bande à plusieurs reprises. La musique la plus distordue
de l'histoire du rock. Personne ne vous tiendra rigueur de ne pas vous
enfiler cette petite heure de musique sans respirer. Mais que ça
fait du bien de s'injecter sa petite dose journalière.
En 2008, Dull Knife sort le 12'' Hot Sex. Leur troisième
disque en 22 ans. Mais ces quatre titres datent d'avant Rehab. Il ne faut
pas trop leur en demander non plus à ces bâtards. Don Walsh,
le décérébré officiant derrière la
pauvre membrane du micro et la guitare, continue de jouer le chef de meute.
Madame Sybil Chance à la basse et un certain Domokos à la
batterie. Si Rehab apparaissait comme (dis)tordu, il faut inventer
un nouveau terme pour le Hot Sex. Merzbow en perdrait ces yeux
bridés même si la musique - ou appelez ça comme bon
vous semble - n'a rien à voir avec cette attitude extrêmement
punk de rednecks texans. Purement analogique, sans ordinateurs, sans putain
de synthés, sans bécanes bourrés d'électronique,
ces trois sauvages creusent le sillon de leur propre perte. Quatre longues,
très longues complaintes bruitistes, de saturations plus que de
raison et de vibrations à faire trembler les fondations. Ugly
music for ugly people qu'ils disent. On appelle ça un éclair
de lucidité.
Les retrouver finalement sur Load records n'est donc pas une surprise.
On peut juste se demander pourquoi cela n'est pas arrivé plus tôt.
A son attirail de prédicateur fou et d'une voix qui reste le nerf
et la pièce centrale de Rusted Shut, Don Walsh a rajouté
quelques maniements de bandes de cassettes pour un résultat toujours
fortement déconseillé par la ligue des droits de l'homme.
Rusted Shut ne connaît toujours qu'une seule note, allez deux dans
un bon jour, une seule cadence mais quelle croyance. Et quel jus. Cinquante
ans et toutes ces dents, ce groupe impossible et offensant ne s'écoute
pas. Non. On n'écoute pas Ça pour sa musicalité,
pour le plaisir mélomane d'écouter une dose outrageuse de
friture sur un rythme primaire et un mec qui dégueule sa bile.
Même avec de l'entraînement, je n'arrive pas à écouter
Dead (disque pourtant le plus abouti, le plus concis et audible
avec une tonne de guillemets) ou n'importe quel album de Rusted Shut d'une
traite. Mais n'importe quel titre expurge vos plus bas instincts, nettoie
les plaies à vif et s'envoyer un Heart of Hell, Shot
in the head ou un bestial Feelin' Weakened vaut toutes les
thérapies du monde. Certains préfèrent brûler
des bagnoles au nouvel an ou balancer du cocktail Molotov sur des casques
bleus. En père peinard, quand j'ai les crocs, ma dose de Rusted
Shut injectée dans les veines et ça va tout de suite mieux.
SKX (01/11/2009)
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