Poutre
Escalade - CD
Les Disques du Hangar 221/Boom Boom 2009

Ils sont sympas tous ces groupes français, tous ces Passe-Montagne, Pneu, Chevreuil pour ne citer qu'eux et maintenant Poutre. Sympas de nous tendre la perche pour des jeux de mots vaseux et des images faciles. Vas-y que Poutre, ça démâte et que tu vas t'en prendre une belle de Poutre à l'écoute de ces onze titres et qu'en fait de perche tendue, c'est une solide poutre qui te tombe dessus, faute de trop regarder tes pieds quand tu marches et de ne pas avoir vu le vent venir d'Arles d'où est originaire ce trio. On aurait pu être prévenu si leur démo de l'année dernière était parvenu au nord de la Loire mais on n'aime pas les démos ici, bien fait pour notre tronche.
Du coup, cette Poutre trône sans complexe dans le salon. Une belle pièce mastoque et classique. N'allez pas chercher du baroque et de l'originale. L'essence de leur Poutre, ils ont été la chercher dans le bois le plus noble, celui du noise-rock des années 90. Qu'il soit français (Portobello Bones, Condense, un zeste de Deity Guns) ou plus exotique (Unwound, Unsane, l'école de Chicago). Ils doivent en avoir marre les gus de voir ces comparaisons fleurir dans toutes les chroniques, une vraie rengaine mais c'est difficile de faire autrement. De toute façon, ils ne s'en cachent pas, le revendiquent volontiers et faut avouer que l'héritage est entre de bonnes mains. Le genre de paluches qui ne rechignent pas à la tâche, qui savent tailler dans le gras pour ne garder qu'une ossature limpide et efficace. Du taillé sur mesure. Pas d'échardes qui dépassent ou de noeuds qui défrisent. Un bon échange entre la guitare et la basse (avec une pédale de disto dévastatrice), ces saccades, ces ruades, ces mélodies, le tout encadré par une batterie sans fioriture, qui ne déborde pas mais qui assure l'essentiel. Si on voulait chercher la petite bête du bois sans faille de Poutre, c'est cette absence de folie dans la batterie en retrait, ce manque d'inventivité au contraire de la paire gagnante basse-guitare mais ça le mérite d'être carré et c'est ce qu'on demande avant tout à une Poutre. D'un Nedved tout en dribble et en finesse, à l'instrumental sans rythme Chaudelande (mais pas sans vie) ou les explosifs Stepping Stones, 37 ou encore Dismembering Tango, pour en finir en douceur sur Etirements, Poutre connaît les figures imposées. Mais d'un héritage omniprésent, ils exécutent des acrobaties parfaites, le truc qui glisse tout seul pour une réception à chaque fois parfaite. Escalade ne vous enverra pas au septième ciel mais le plaisir est bien présent, direct, brutal, immédiat. Sur la pochette, pas peu fière est la loutre de son Poutre et elle a bien raison.

SKX (06/08/2009)