Portraits of Past
Cypress Dust Witch - 12''
Excursions Into The Abyss 2009

Il ne faut plus jurer de rien désormais. Mais dans la longue liste sans fin des groupes ayant mis la clef sous la porte, j'étais à des années lumière de penser un jour à une reformation de Portraits of Past qui ne va jamais aussi bien porter son nom que maintenant. Un groupe de San Francisco à la vie courte. En gros, 1994-1996. Un seul album à son actif, self-tilted (qu'on retrouve parfois sous le nom de 0101010101) sur Ebullition records mais quel album ! Son retentissement a largement dépassé les frontières de la Californie et son influence s'est faite ressentir bien après la mort de Portraits of Past en 1996. En Europe, son plus beau rejeton avait atterri en Allemagne et s'appelait Yage et des hordes de groupes que l'on a regroupées sous l'étiquette screamo hardcore doivent beaucoup à Portraits of Past. Et c'est bien là le problème. Car si ils ont quasi initié un genre, les cinq de San Francisco n'ont pas grand-chose avoir avec la mélasse tiède que les bâtards ont engendré pour la plupart, devenue une entité sans inventivité et édulcorée. Portraits of Past a toujours mis beaucoup de sentiments et de passion dans son hardcore mais celui-ci savait rester agressif, chaotique, rustre et le chant autre chose qu'une complainte pleurnicharde et ridicule à force de s'égosiller les poumons dans le vide. Cet album de 1995 (que Ebullition a ressorti en 2008 avec des morceaux parus sur des singles et compilations sous le sobre nom de Discography) est un must, voir L'Album à posséder si il n'en fallait qu'un dans ce style de musique en chute libre.
Alors quand treize ans plus tard, Portraits of Past décide de se reformer, on avait tout à craindre. Le mythe allait sûrement s'effondrer. Car ils ne se reforment pas pour une série de concerts grassement payés, merci les pigeons, filer moi votre thune qu'on a jamais touché quand on ramait dur sur la route. Non, ils proposent carrément de nouvelles compositions, quatre pour être précis, sur un 12'' qui sent bon la moule pas fraîche, l'échouage par marée basse. Mais si Portraits of Past s'accroche à son passé comme un bigorneau à son rocher, il faut avouer que le nouvel arrivage ne donne pas dans l'avarié. Portraits of Past reprend les choses là où ils les avaient laissées en 96. Cela donne forcément un arrière-goût de nostalgie, un petit coup de jauni à leur musique qui n'est pas de première jeunesse mais la production ne souffre pas de sénilité, tout comme les compositions gardant vigueur et entrain. Ou alors c'est juste que je n'ai pas écouté ce style de musique depuis des lustres et ça fait tout drôle de se replonger dans ces sonorités là.
Les structures sentent bon le ressac. A voir cette pochette, le rapprochement parait évident. Des morceaux comme un mouvement perpétuel et désordonné entre des vagues montantes, déferlant son lot de tension, se brisant, redescendant vers des moments plus calmes mais jamais complètement, repartant à l'assaut sous les coups frénétiques d'une caisse claire (Fire Song) ou se divisant en deux vagues tumultueuses (Cypress Dust Witch et Cypress Dust Witch II - Bridge). Portraits of Past vous ballade d'un rivage à un autre, sans que chaque côte soit bien définie, mais ne vous donne pas le mal de mer avec toujours cette étincelle de lueur au milieu du bordel, ces arpèges rayonnants et cette voix suivant les courbes confuses des morceaux.
Je ne serais vous dire si c'est mieux ou moins bien qu'avant et on s'en tape à vrai dire. L'essentiel, c'est de toujours éprouver du plaisir à écouter ce groupe après tant d'années de silence, tout en se disant que les reformations, ça peut avoir du bon. Pour une fois.

SKX (31/12/2009)