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Le
Singe Blanc
Baï
Ho - CD + DVD
Bar La Muerte/Whosbrain 2008
Des sacs
à dos chargés à ras bord. Un escalier en colimaçon
qui donne le tournis. Des dos courbés sous le poids dans des rues
désertes. Les méandres du métro parisien et ces portiques
trop étroits. Une vaste salle d'attente dans un aéroport.
Je ne vous raconte pas les détails croustillants de mon dernier
voyage (ça remonte à trop loin) mais celui du Singe Blanc,
un groupe de Metz parti voir en Chine en septembre 2007 si le rock y était
plus vert. Baï Ho - qui signifie singe blanc en chinois -
est le journal de bord de ce périple original, dans un pays que
les routes du rock n'ont pas souvent l'occasion de sillonner, bien que
tout ça s'améliore, l'ouverture de la Chine touchant également
le milieu musical.
Un objet double avec CD accompagné de dix nouveaux titres et DVD
dont le chapitre principal retrace ce voyage. 76 secondes pour passer
au vert. Une tournée avec les moyens du bord. Le DIY est international.
Une tournée dont l'intérêt se situe plus dans la découverte
du pays en totale immersion chez les autochtones qu'un enchaînement
classique de dates de concerts. Caméra au poing, Stéphane
Ulrich a filmé des kilomètres et des kilomètres d'avions,
de trains bondés, de cars couchettes, de vélos à
deux ou en solo, de marche perdue sous des panneaux de signalisation incompréhensibles,
tous les moyens sont bons pour parcourir les longues étendues de
l'empire du Soleil Levant. Le propos est clairement de montrer du Chinois
(et de la chinoise, présente en nombre au concert !) et non pas
du rock. C'est répétitif et un rien longuet mais que ce
soit en Chine ou en Europe, cela montre bien qu'une tournée, c'est
avant tout du transport, du transport, encore un peu de transport, de
l'attente, du glandage et
à la fin, vous vous débrouillez
pour caser un peu de rock'n'roll ! On se croirait comme sur une place
de gare en Chine. Les Chinois sont les spécialistes du V de
la victoire dès qu'ils aperçoivent la caméra. Caméra
à laquelle ils ne cessent de sourire, quel que soit les conditions
et le lieu. En France (et bien ailleurs), il ya longtemps que des tronches
de six pieds sous terre l'auraient accueillie (moi le premier) et que
le caméraman se serait fait envoyer promener. Entre deux longs
plans de locomotion et de bouffe, le film donne la parole à quelques
acteurs locaux (tourneurs, promoteurs, groupes) pour un début d'histoire
du rock chinois (qui a commencé en gros il ya 10 ans à peine.
Avant ça, les Clash et les Sex Pistols étaient inconnus
de 99% de la population) qui, par contre, n'est pas en retard sur une
valeur universelle du rock'n'roll : le mec bourré à la fin
du concert. C'est comme à la maison !
Et à pays exotique répond musique singulière. On
connaît bien les quelques repères au monde particulier du
Singe Blanc qui ont tous un point commun : avoir mis la guitare au rencart
et un profond désir de faire bouger les foules sur des rythmes
à quatre mains. Victims Family, Ruins, Primus, Belly Button, Sabot.
Dans le délire rythmique, les précédents albums du
trio messin en faisaient des tonnes, quitte à aller jusqu'à
l'overdose. Cette fois-ci, si le jeu des deux basses et de la batterie
ne jouent toujours pas l'économie (mais comment pourrait-il en
être autrement ?!), le groove a gagné en clarté. Les
cassures sont presque invisibles, les changements de direction en douceur
tant bien même ça envoie sévère et que certaines
joutes rythmiques sont épiques. Avec une basse qui aime titiller
les notes aigues et délivrer des petites mélodies addictives,
l'élocution du Singe Blanc se fait plus légère et
compréhensible pour le commun des mortels. Un cyclone auquel il
est difficile de résister. Même si les références
suscitées n'ont jamais soulevé votre enthousiasme, le corps
ne peut que se cabrer, se secouer et suivre le mouvement. Le Singe Blanc
est plus fort que toi. En fait, le seul point qui peut rebuter est le
chant. Ou les chants puisque les deux bassistes se répondent régulièrement.
C'est la grande originalité du groupe. Leur ligne de démarcation.
Mais aussi le point de discorde. Les paroles n'en sont pas. Des onomatopées,
des syllabes collées les unes à la suite des autres et qui
ne veulent rien dire, des cris partant aussi bien dans les aigues que
dans les profondeurs, éructés avec le sérieux d'un
personnage de cartoon. Le chant envisagé comme un instrument à
part entière et donnant une coloration burlesque d'hurluberlus
débarqués d'une autre planète pouvant refroidir.
Mais à force d'écoute, on se prend au jeu, les sonorités
et le collage des mots tombant souvent juste. J'aimerais juste un jour
entendre Le Singe Blanc avec un chant normal pour ici bas. Une simple
curiosité de terrien. La musique du Singe Blanc rend joyeux, qu'on
se le dise, même si le bonheur, ça se mérite. Et en
plus pour le même prix, t'as le dépaysement.
SKX (24/01/2009)
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