Knot Feeder
Light Flares - CD
Strings & Hammers/File 13 2009

Depuis la mort de Don Caballero, la première mort s'entend, la seule et unique belle mort, et non pas l'ersatz qui tente de nous faire croire que c'est reparti comme en 14, Mike Banfield, l'autre guitariste du Don avec Ian Williams (Storm & Stress, Battles) s'était retiré des bagnoles. En bon suspicieux de nature, c'est avec prudence que son nouveau projet a été accueilli par ici. On a assez d'un Damon Che pour salir les cadavres, pas la peine d'un revenant pour en rajouter une couche. La première écoute n'a pas été des plus emballante. Le Banfield a peut-être vécu dans une grotte tout ce temps là mais de prime abord, sa nouvelle version du math-rock, dont le Don Cab est quasi le père, n'a pas de quoi fouetter un chat. De l'eau a coulé sous les ponts depuis sa retraite, charriant quantité astronomique de groupes du genre dont peu au final surnage au-dessus de la ligne de flottaison.
Ce Light Flares allait-il être une énième pièce à charge ? Même si elle vient d'un membre historique, ça n'excuse pas tout. Mais voilà, la science infuse, on l'a ou on l'a pas et Banfield et ses acolytes (ex-Tabula Rasa) étant tombé dedans tout petit, maîtrisent les codes mieux que quiconque pour les détourner et jouer habilement avec eux. On retrouve ainsi la complexité des rythmes, les riffs des deux guitares inventant un dialogue de haute-voltige, les changements de direction inopinés, l'intensité qu'on fait monter par palier. Pas besoin d'huile dans les rouages, la symbiose est parfaite, tellement parfaite qu'on en viendrait à retrouver le souffle des premiers Don Cab. En vieux indécrottables qu'on est, c'est le bonheur qui se pointe, on n'en demanderait presque pas plus.
Et pourtant ce petit plus, on va l'avoir, se révélant peu à peu au fil des écoutes. Un album qui n'est pas simplement une collection de riffs qui s'additionnent, de changements pour l'unique plaisir du contre-pied. Quelquechose de narratif, des compos évolutives avec beaucoup de liant. Des musiciens qui n'ont pas exclusivement enfilé leurs habits de techniciens surdoués mais ce sont mis au service d'un vrai songwriting. Ne pas chercher à trop en faire et apporter de la chaleur et du cœur à un style trop souvent jugé froid et calculateur. La production de J. Robbins (Jawbox, etc…) y est également pour beaucoup. Il a, aux dires de ce groupe viscéralement à guitares, apporté de l'air aux morceaux, amenant Knot Feeder vers des contrées sonores plus bizarres. Des morceaux comme To the ice ou Light Flares apportant des respirations, des ambiances différentes quand ce n'est pas au sein même d'un morceau parti pour faire le tour du grand loop math-rock. Les cliquetis indéfinissables sur Eliminate your dualism, un violon sur Mastering the mountains, une multitude de détails qui font la richesse de cet album, tout en préservant le nerf et le démarque de la meute. On a même le droit à deux morceaux chantés (Caress the Industry et 26 Miles 385 Yards) par le batteur Rob Spagiare. Un Don Caballero seconde édition qui ferait bien de s'en inspirer parce que Knot Feeder prouve qu'on peut être un groupe instrumental à la base et ne pas se vautrer dans le ridicule en y apportant de la voix. Et si vous trouvez que le nom de Don Cab est trop souvent mentionné dans cette chronique, dites vous bien qu'à la fin, Knot Feeder n'a plus besoin de personne, tient debout tout seul comme un grand, s'inspirant du passé pour mieux damné le pion au présent et signe un album en tout point remarquable.

SKX (06/05/2009)