|
Evangelista
Prince Of Truth - CD
Constellation records 2009
Carla Bozulich
n'arrête pas d'enchaîner les disques depuis qu'elle a entamé
sa collaboration avec le célèbre label de Montréal.
Depuis 2006, elle en est déjà à son troisième
enregistrement, le nom du tout premier étant également devenu
le nom du groupe qui l'accompagne. Un groupe à géométrie
variable mais dans lequel on retrouve quelques musicien(ne)s toujours
fidèles au poste : Tara Barnes à la basse ou Ches Smith
à la batterie. On peut également compter dans les rangs
quelques piliers du label Constellation tel Thierry Amar. Rien de neuf
de ce côté là, Prince Of Truth s'annonce dans
la droite lignée de ses prédécesseurs, le très
sombre Evangelista et le plutôt aride Hello
Voyageur.
Pourtant, si on excepte The Slayer, premier titre en forme de déflagration
rampante (percussions appuyées et surtout Nils Cline à la
guitare en font la chanson la plus bruyante de ce disque), Prince Of
Truth est un album bien plus éclairé et calme. Tremble
Dragonfly est une balade maladive mais attachante sur fond de violons
et de scie musicale. On jurerait également I Lay There In Front
Of Me Covered In Ice et son orgue en provenance direct d'un album
des Bad Seeds tant la filiation avec Nick Cave est évidente - sauf
que l'on serait bien en peine d'y déceler la moindre trace du ridicule
et du pathos que nous inflige l'australien depuis de trop nombreuses années.
You Are A Jaguar est l'autre titre électrique de Prince
Of Truth (et le deuxième avec Nils Cline), c'est surtout un
titre sur lequel Carla Bozulich donne toute la (dé)mesure de son
immense talent de chanteuse, se contractant du cri de rage primitif au
feulement nerveux avec une hystérie non feinte. Avec ses contrebasses
profondes frôlées à l'archet et ses faux airs bluesy
Iris Didn't Spell est LA chanson de l'album, terriblement poignante,
toute en retenue, douleur fantôme. Crack Teeth repose également
sur quelques notes de contrebasse (jouée aux doigts cette fois)
et un jazz dévoyé et tordu dominé par un leitmotiv
au synthétiseur. On The Captain's Side est le seul texte
écrit par Tara Barnes pour cet album. C'est également la
seule chanson où ce n'est pas Carla Bozulich qui s'occupe du chant
principal mais c'est la violoncelliste Jessica Catron qui pose sa voix
dispersée et lointaine sur des paroles aussi lugubres que celles
de la propriétaire habituelle des lieux : My only friends we
should sleep at last because our hunger and menace will never subside.
Moins tonitruant, moins convulsif et d'apparence moins tortueux, Prince
Of Truth reste néanmoins un bijou de noirceur et de tension
intérieure. La diva Bozulich patauge toujours dans son marasme
mais arrive à dépasser ses errements. Son malaise glauque
et ses problèmes existentiels ne lui enlèvent pas une certaine
prestance et une certaine grandeur, sublimant douleur et mal-être
grâce à une capacité d'interprétation exceptionnelle
- comme pendant les concerts, on finit par ne plus se demander si tout
ça c'est du cinoche ou du chiqué ou quoi, on est convaincu
par autant de force abrupte et de beauté détruite. Ce disque
est aussi la preuve que Constellation ne fait pas que publier des disques
de hippies psychorigides et cul-bénis pour amateurs de post rock
folkeux. Et on avait vraiment bien besoin d'un tel signe de bonne conduite
(à défaut de bonne santé mentale).
Haz (26/10/2009)
|
|