Dysrhythmia
Psychic Maps - CD
Relapse 2009

Déjà le cinquième album depuis 2000 pour le groupe de Philadelphie, relocalisé désormais à New-York. Un groupe dont j'ai suivi l'histoire de loin, un œil sur leur riche discographie (un split 10'' et deux ou trois autres singles en plus à leur actif) mais l'oreille un peu sourde. Ce n'est pourtant pas faute de se taper (et d'apprécier la plupart du temps) des groupes de math-rock dans toutes les diagonales mais Dysrhythmia, en plus d'avoir un nom dont je m'y reprends toujours à trois fois avant de l'écrire correctement, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase de la complexité d'un genre confondant souvent technicité et intensité, démonstration et émotion. Dysrhythmia n'était sans doute pas pire qu'un Aleuthas… non Ahcheula… merdouille Ahleuchatistas ou un Don Caballero sous ecstasy mais allez comprendre, Dysrhythmia, c'était too much.
Pourtant, à réécouter pour l'occasion leur album précédent Barriers And Passages, j'avais bien tort. En 9 ans d'activité, le trio a su apprivoiser ces pulsions, son math-rock de malade est devenu fréquentable et cet album sorti en 2006 sur Relapse aurait mérité meilleure considération. Un must pour ceux qui l'aiment complexe tout en envoyant valser dans les cordes un rock chauffé à blanc. Mais avec ce Psychic Maps, le trio new-yorkais met la barrière encore plus haute et force le passage du math-rock. On rentre carrément dans la sphère de Flying Luttenbachers et moi, dès que j'entends cette autre référence au patronyme propice à l'erreur, le poil se dresse. Dès le titre d'ouverture Festival of popular delisions, je crois entendre le fantôme de Weasel Walter me susurrer dans le creux de l'oreille : tu vas l'avoir ta branlée et tu vas adorer.
Bille en tête et plus direct qu'à l'accoutumée, le nouveau Dysrhythmia vous met une pression d'enfer et ne la relâchera que très rarement. Ils ne sont plus dans la fracture, ils sont cette fois ci dans la ligne droite agitée à fond les gamelles et ça fait toute la différence. Pas pour les neurones et les fragiles du crâne pour qui cette route sera toujours source de crispations irrémédiables mais elle est là cette différence, subtile et appréciable. Alors certes, les équations sont toujours présentes, mais Dysrhythmia est plus disposé à nous filer les réponses. Ou c'est juste qu'on en a plus rien à foutre des réponses. Se laisser emporter par la vague, ne plus se soucier du comment du pourquoi, lâcher les amarres. Ils vous mettent une couche d'intensité, puis une seconde, encore une autre et quand vous pensez que ce n'est pas possible d'aller plus haut, ils trouvent les ressources nécessaires pour jouer encore plus vite, frapper plus fort et finissent pas vous arracher un râle de bonheur. Mieux encore, ils se permettent des harmonies (à défaut de dire des mélodies, faut pas exagérer non plus) éclatantes, des fusées de détresse éclairantes en pleine tourmente comme sur Room of vertigo et c'est un vrai bonheur. Et des bols d'air, ils ont la judicieuse idée d'en placer un certain nombres, de mettre du relief dans un paysage jusque là aride. Neuf années pour le comprendre mais ça valait le coup d'attendre. Comme à chaque fois dans ce genre d'œuvre, on a pour finir droit au péplum. Celui-ci se nomme Lifted By Skin avec une montée extraordinaire de vélocité pendant cinq minutes vertigineuse, s'appesantir pendant trois bonnes minutes, là où le corps ne répond plus, quitte à devenir pratiquement silencieux et de subitement retrouver un second souffle et filer un dernier coup de rein qui vous emmène dans le décor. Jouissif à mort. Dysrhythmia est rentré dans le cercle très fermé des groupes qui ont su transcender le math-rock, le piétiner pour mieux le purifier, comprendre que la technicité est juste un moyen pour éclater le rock et lui faire sortir les tripes. Grandiose.

SKX (26/10/2009)