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Dälek
Gutter Tactics - CD
Ipecac 2009
L'électro,
le hip-hop en général et Dälek en particulier n'étant
pas réellement le genre de la maison, profitons-en pour nous pencher
sur le cas de ce duo ultra hype chez les porteurs d'anorak et de bonnet
péruvien. Juste quelques repères spacio-temporels avant
: un premier album il y a dix ans, inachevé mais suffisamment étrange
pour attirer l'attention (Negro, Necro, Nekros), le coup de pouce
de Techno Animal le temps d'un maxi d'anthologie chez Matador, deux albums
(Filthy Tongues Of Gods And Griots en 2002 puis Absence
en 2004) histoire de redéfinir le hip-hop moderne en y insufflant
quelques éléments extérieurs -terreur industrielle
sur fond de tribalisme écrasant ou guitares avec cheveux dans les
yeux- éléments pas forcément nouveaux mais, fait
marquant, évitant tout risque d'indigestion et de répulsion,
bien loin des clichés de toutes formes de fusion, genre (?) qui
de Urban Dance Squad à Gengis Tron en passant par Faith No More,
Fishbones, Asian Dub Foundation ou je ne sais quelle bande de guignols
marxistes en chambre, n'a que le mérite de faire rire avant de
contraindre définitivement l'auditeur à appuyer sur le bouton
d'arrêt.
Non, la musique de Dälek est aussi osée que le funk déviant
de Gang Of Four ou Liquid Liquid, aussi lourde que celle de Godflesh,
aussi perturbée que celle d'Einsturzende Neubauten, aussi vindicative
que celle de Public Enemy, que des groupes n'ayant jamais confondu innovation
et hybridation intempestivement artificielle. Dälek est tout cela.
Ou du moins était parce que l'avant dernier album (Abandoned
Language) en voulant éclaircir le propos l'a sérieusement
édulcoré. Encore une chose, derrière Dälek se
cache une bande d'architectes du son incapables de la moindre prouesse
scénique : Dälek (parce qu'il s'agit également du nom
du MC en chef, on est jamais aussi bien servi que par soi même)
a un charisme proche de celui d'un nain de jardin et Oktopus, l'homme
aux machines, a souvent du mal à ne pas s'endormir du sommeil lysergique
du juste entre deux poussages de boutons ou deux réglages de potentiomètres.
Quant à Still, le DJ fou, il a depuis longtemps été
viré du groupe pour alcoolisme chronique. Dälek est un groupe
de studio, point barre. De toutes façons les voir en concert avec
cracheurs de feu ou danseurs et chorégraphie à l'appui aurait
été d'un rare comique.
Qu'y a-t-il donc derrière l'artwork d'un mauvais goût assez
total de Gutter Tactics, cinquième album du groupe ? Déjà,
Dälek remonte une partie la pente dévalé par le prédécesseur
Abandoned Language même si ça et là quelques
pochades ternissent l'ensemble -2012 (The Pillage) ou A Collection
Of Miserable Thoughts Laced With Wit. Quelques idées efficaces
rebande tout ça (le ralentissement sur l'effroyable Who Medgar
Ever Was
, les déflagrations industrielles de Los Macheros/Spear
Of A Nation, les guitares heavy sur Gutter Tactics) mais dans
son ensemble le disque est déséquilibré, bancal,
l'ennuyeux y côtoie le captivant. Côté voix, Dälek
perd de plus en plus de sa superbe et de son arrogance inquiétante,
mouvement déjà entamé sur Abandoned Language.
Ce qui en fait sauve le disque ce sont tous les détails et toutes
les trouvailles sonores (cette impression de carillon sur Street Diction
par exemple) et lorsque l'ensemble de ces trouvailles arrivent à
former un titre du début à la fin on est bien content.
Dälek reste Dälek, le groupe n'évolue plus vraiment et
se contente de décliner sa formule. L'impression de manque vient
sûrement de là, de ce côté déjà
trop entendu que l'on sait pardonner à un groupe basique de guitares
ou à un jazzman funambule. Avec Dälek, on sait désormais
que l'on tient le pendant hip hop des Ramones jouant avec des éléments
ultra référencés directement tirés de musiques
pour petits blancs. Pour l'instant on évite le phénomène
de foire que d'extrême justesse.
Haz (01/02/2009)
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