Celan
Halo - CD
Exile On Mainstream 2009

A la première écoute, je me suis demandé c'est quoi ce sous-produit de cette marque connue, qu'est-ce qu'ils nous fouttent à nous refiler un ersatz d'Unsane, Chris Spencer serait-il en manque de temps de jeu avec ses petits camarades new-yorkais ? Autant de questions existentielles gravement importantes sur un projet qui semblait parti pour ressembler à un autre projet de Spencer, Cutthroats 9. Le nom change et rien que le nom. Pour le reste, l'indécrottable Spencer continue de nous exécuter en pleine tronche la même partition haineuse. Incapacité totale à jouer autre chose. C'est congénital. Plans de guitare attaquant sous un angle toujours virulent, façon identique d'inonder le micro de postillons hostiles, ambiance générale noise, douloureuse et belliqueuse, Celan est marqué du sceau d'Unsane.
Pourtant du beau monde autour de lui. Ari Benjamin Meyers, un Einsturzende Neubauten récent, loin du canal historique et américain de souche, pour rajouter une couche de claviers et de samples au bordel de Spencer, deux jeunes allemands qui constituaient la section rythmique de Flu.ID et vouant déjà un culte à Unsane (on y revient toujours) et le meilleur pour la fin, le beau Niko Wenner, le guitariste d'Oxbow. Mais pour ce dernier, il faut plus que tendre l'oreille et si il n'était pas sur la photo officielle, le doute sur sa présence serait permis. Le fait qu'il soit arrivé en dernier dans le décor explique sûrement cela mais ces parties de guitares, on les cherche encore. Ou alors c'est noyé sous le déluge de Spencer. Ce qui revient au même.
Unsane donc. Si vous appréciez la musique de ce groupe, Celan ne vous laissera sans doute pas indifférent. Bien sûr, ce fut tout le contraire. Au début. Et puis le naturel est revenu au galop et force est de reconnaître que Celan a su placer quelques beaux parpaings. Une fois passé l'introduction et les cris d'enfants, le groupe aligne trois titres finissant par annihiler toutes défenses à un projet qui vous semblait vain. Un Unsane traversé de bribes électroniques, de samples discrets, d'un clavier éclairant sur le puissant All This and Everything, un Unsane au son épais, enrichi. L'entreprise de démolition a de la réserve en béton et sait comment vous couler dans son moule. Après les choses se gâtent. La lourdingue pseudo-ballade Sinking me plonge dans l'embarras pendant que Weigh Tag m'évoque à chaque fois un sale morceau de Ministry avec son gimmick obsessionnel et ses allures de pompiers avant de carrément zapper l'instrumental somnifère Washing machine qui lave plus blanc que l'ennui. Il faut attendre le contrasté Train of thought sur courant alternatif pour retrouver un semblant d'intérêt, espérer avec It's Low que ça finisse en beauté (mais comme les soufflets, ça retombe) et finalement se raccrocher au violent Wait and see qui ne vous aura pas fait attendre pour rien (quoique là j'ai un doute). Le plus dur est pour la fin. Les douze minutes de Lunchbox, une longue montée entre silence et un piano qui se taille petit à petit la part du lion et dont on attend le rugissement en vain, même si j'avoue qu'une certaine adrénaline grandissante se dessine sur la durée et j'arriverais parfois (je dis bien parfois) à apprécier cette fin qui prenait des allures de queue de poisson. Tout compte fait, c'est encore quand on se rapproche le plus de l'univers d'Unsane que cet album est le meilleur. Une valeur sûre, ce vieux croûton sanguinolent. Mais au final ça vous fait quatre (allez cinq à tout casser) morceaux excitants. Une fois cet assemblage solidement soudé, une fois que Chris Spencer ne sera plus la seule tête pensante et que tout le monde s'investira à part égale, on sera peut-être en droit d'espérer un album qui tienne la longueur, tout en faisant preuve de plus de personnalité, vu qu'apparemment cette troupe bancale n'est pas décidé à en rester à ce projet de luxe.

SKX (29/07/09)