Bullshit
N.H5N1 - CD
Ektik 2008

Allez, cette année 2009 sera intellectuelle ou ne sera pas et Perte & Fracas donne l'exemple en parlant de musique improvisée. L'avantage c'est qu'il ne faut faire aucun effort avec une telle musique, pas la peine de ressortir l'almanach illustré du parfait petit noiseux pour rappeler à la terre entière que Machin avait joué avec Truc en l'an -6 avant Jesus Lizard et que Bidule qui a enregistré l'engin (mais qui ne l'a pas produit, attention) porte des lunettes à double foyer. La seule chose à faire c'est d'écouter, tout comme la seule chose que semblent faire des musiciens de musique improvisée enfermés à double tour dans une même pièce sans fenêtre c'est de jouer pour passer le temps.
Bullshit c'est déjà un nom de groupe peu commun mais lorsque en plus l'album s'intitule N.H5N1 on se demande ce que l'on va découvrir à l'intérieur. Après la dinde de Noël, voilà la grippe aviaire. Aucun poulet n'a été maltraité pendant l'enregistrement de N.H5N1 même si on retrouve dans les rangs de Bullshit un certain Jean Michel Berthier (Bästard…) accompagné de Phil Minton, Cyril Darmedru, Seiji Murayama (Fushitsusha, Absolute Null Punkt) et d'Olivier Lambin plus connu des lecteurs des Inrockuptibles sous le pseudonyme de Red. Du beau linge quoi, réuni par les puissances obscures et mystérieuses de la musique en temps réel.
Force est de reconnaître que Bullshit est un nom particulièrement approprié pour ce groupe : N.H5N1 est le disque le plus hétéroclite qu'il m'ait été donné d'entendre depuis des lustres. Un vrai bordel, incroyable, frisant le n'importe quoi, passant du coq à l'âne sans raison, mélangeant les genres, bidouillant avec nos nerfs et notre perplexité, donnant envie de râler à l'occasion, d'appuyer sur la touche avance rapide, faisant heureusement le plus souvent tendre l'oreille, ah non merde un disque comme ça est finalement difficile à écouter, mais où veulent ils en venir, oui vraiment bien mais alors…
Alors quoi ? N.H5N1 a été enregistré en trois jours, on sent que nos cinq compères ont bien rigolé en plumant quelques volatiles et moi aussi, j'en attrape la chair de poule. Il y a quelques passages vains/horripilants/inutiles (rayez la mention inutile), des esquisses dont on eût aimé qu'elles fussent un tantinet plus développées, d'autres qui semblent aller nulle part et puis il y a tout le reste, un ciment invisible qui relie tout ça, si on donne un coup de pied ça va tout se casser la gueule mais ça reste debout, ça fait rire, ça donne éventuellement envie de se droguer et de baiser (ou l'inverse, tu n'as qu'à écouler les paroles), on y revient forcément et avec un plaisir évident.
Ce disque n'est donc absolument pas sérieux. Son artwork est laid. Ce groupe n'a pas de site web ou de myspace. Le label n'a pas de site web ou de myspace non plus. N.H5N1 est disponible en France grâce à un distributeur qui pratique des prix prohibitifs, c'est la surenchère du bon goût intellectuel. Sauf que Bullshit n'est absolument pas un groupe de bon goût, ils ont pondu un disque qui va du pimpo bimbo électronique au funk mutant en passant par quelques notes de blues et de la freeture en ébullition. Un disque dont je n'attendais rien et qui n'a pas cette prétention : nous sommes donc d'accord lui et moi. Chouette.

Haz (11/01/2009)