Snowman
The Horse, The Rat And The Swan - CD
Dot Dash 2008

S'appeler Snowman quand on vient de Perth, une ville vautrée sous le soleil carrément à l'ouest de l'Australie, n'est pas banal. Comme tous groupes de ce pays excentré qui veut percer autre chose que sa peau sous les températures abrutissantes, Snowman s'est expatrié à Londres. On a connu notamment un groupe chaotique ayant suivi une courbe identique à leur soif de gloire et de débauche aux débuts des années 80. Le Birthday Party de Nick Cave bien sûr et plus près de nous Witch Hats, Snowman partageant avec eux, en plus de la trajectoire latitudinal, certaines valeurs musicales.
Mais si Snowman n'est pas banal, il le doit surtout à sa musique. Birthday Party, ses rythmes tribaux et les ténèbres dont ils sont issus ne sont qu'une partie de la donne. Et la donne est compliquée. Un vrai mystère. Un imbroglio d'influences débouchant sur une vraie personnalité. Des pulsations rythmiques et des nappes de brouillard. Des forces contradictoires où le rock'n'roll brut se heurte à des sonorités électroniques. Des cris tétanisants se succèdent à des chants éthérés quand c'est pas les deux en même temps. Des vaisseaux fantômes flippant comme le très beau et lugubre A Rebirth et d'autres attirants dès les premières notes comme Our Mother (She Remembers), morceau épileptique où chant d'aboyeur, batterie martiale, piano fou, effets retors et vocalise féminine se télescopent dans une osmose impressionnante. Et c'est ce qui tue chez Snowman. Ce mélange réussit de sauvagerie et de beauté. Idem sur l'hypnotisant et schizophrénique We are the plague ou The Gods of the Upperhouse et la phrase We Are Machines psalmodié comme un mantra dont l'auteur pourrait être un Nick Cave à ses plus belles heures de grand malade. Mais la composition symbolisant le mieux cette architecture unique, ce sont les six minutes de The Horse (parts 1 & 2). Un duel de voix angéliques et des cris de tarés dans le fond, la présence d'un violon, quelquechose de symphonique dans le drame qui se prépare et qui explose dans une débauche de rythmes tribaux, de violons qui s'emballent, de sonorités aigues, de vocaux multiples, une fête païenne se finissant dans l'ivresse et l'égarement. Un album taillé dans la démesure et le minimalisme, la profondeur et la violence, ne tombant jamais dans le pathos à l'image de The Blood Of The Swan, presque gothique, réussissant à garder un fil conducteur invisible, que des écoutes répétées n'arrivent à percer. Un disque très troublant dont la clef provient peut-être de la somme des individus et leurs nationalités composant Snowman. Une Islandaise, un Anglais, un Italien et un Indonésien que les méandres du destin ont fait se rencontrer dans ce bout du monde. Après un premier album en 2006 sur lequel il n'est pas utile de s'attarder, la greffe des mondes irrationnels et discordants a pris sur The Horse, The Rat And The Swan. Un des albums de l'année.

SKX (24/11/2008)