Singer
Unhistories - LP
Drag City 2008

Pas besoin de lire les notes de pochette pour se dire qu'il y a du US Maple là-dessous. Structures obliques, guitares élastiques, rythmes erratiques, alcoolisme sournois de morceaux qui désarçonnent, Singer vient de déterrer le cadavre encore tout chaud du groupe de Chicago. Et pour cause. Todd Rittman, guitariste brun et Adam Vida, batteur (uniquement sur l'album Purple On Time) blond de US Maple jouent les fossoyeurs. Mais si il y a bien un cadavre qui continue de les harceler, c'est celui du Captain Beefheart et son rock déviant. Associés à Robert Lowe, bassiste black de 90 Day Men et Ben Vida, guitariste frère du batteur, ils plongent à nouveau dans ces lignes de guitares dont vous ne pouvez deviner le cheminement, ce batteur autiste aimant jouer en décalage totale avant que tout ce beau monde ne se retrouve lors de cours passages unifiés, se rappelant soudain qu'ils jouent dans le même groupe, qu'ils ont beau chercher à le détruire, c'est quand même du rock qu'ils sont censés faire. Et puis il ya ce nom de groupe qui aurait dû s'accorder au pluriel. Car des chanteurs dans Singer, il y en a trois.
C'est à partir de ce moment là qu'on oublie US Maple. Ca chante à tour de rôle mais ça chante aussi toujours en même temps. Un chant principal et les deux autres qui l'accompagnent dans des chœurs de l'impossible. Des lignes de chant qui suivent le mouvement des guitares. Tordues, surprenantes, qui volent dans les aigues, chuchotent, dérapent, se vautrent (volontairement ?) dans le ridicule puis repartent sur les chemins de la concordance. C'est tour à tour agaçant ou harmonieux mais l'alchimie recherchée n'est pas loin de prendre. On est loin des feulements et roucoulements de Al Johnson mais Singer aborde le chant avec ce même désir d'être singulier. Que ça marche ou non. Et comme Singer est aussi une machine à coudre, ça vous enfile de longs morceaux. Sept compos dépassant régulièrement les cinq minutes avec un effet cotonneux sur le ciboulot et une touche psychédélique imprévue qui doit autant au chant qu'au jeu de guitares sachant partir dans des soli de l'improbable. Singer donne l'impression d'évoluer au ralenti, de démembrer totalement son blues de blanc, d'avoir liquidé tout le stock de drogues de US Maple et sous ses airs plus accessibles, Unhistories est encore une belle pièce atypique que vous ne savez pas trop par quel bout prendre. Comme les neuf minutes de clôture de Mauvais sang dont on oubliera la référence culturelle pour se faire un bon trip d'enfer sur les chemins de Katmandou. De la bonne came mais pour ceux que US Maple tapait déjà le système, ça va pas aller en s'améliorant.

SKX (18/06/2008)