Rhys Chatham
Guitar Trio Is My Life ! 3xCDs
Radium/Table Of The Elements 2008

J'ai toujours trouvé que dans la mémoire collective des amateurs de guitares dissonantes et répétitives made in NYC Rhys Chatham restait un peu en retrait, loin derrière Glen Branca et ses symphonies souvent indigestes et grandiloquentes. Pourtant, sans Rhys Chatham, le parcours de Branca aurait été sans doute bien différent, ce dernier jouant avec lui dès 1977 dans la première mouture du Guitar Trio (avec Wharton Tiers à la batterie !) avant de quitter le groupe et de lui emprunter toutes ses techniques d'accordages. C'est que Chatham, avant de s'intéresser à la guitare et de composer pour elle, a traîné ses guêtres du côté de la musique contemporaine, a composé de la musique électronique et a côtoyé des personnalités aussi influentes qu'Eliane Radigue, Marianne Amacher, Charlemagne Palestine, La Monte Young ou Tony Conrad. Chatham est venu progressivement aux guitares (qu'il a momentanément abandonnées par la suite pour cause d'acouphènes) alors que Branca a suivi le chemin inverse, se prenant pour un compositeur hors normes alors qu'il aurait sûrement mieux fait de se contenter d'être un punk arty un peu trop intelligent pour être honnête.
Guitar Trio est une œuvre importante chez Chatham parce que c'est la première qu'il a composé pour des guitares et surtout parce qu'il lui a appliqué à la lettre les codes du minimalisme et du répétitif : un seul accord, toujours le même accord, encore le même accord, le temps que l'on veut -de huit minutes comme sur la version studio disponible sur le coffret An Angel Moves Too Fast To See (sur Table Of The Elements) à douze minutes pour la version ralentie et très country-swamp enregistrée par Jonathan Kane (album February, même label) en passant par toutes les versions présentes sur le triple CD Guitar Trio Is My Life ! dont certaines frisent la demi-heure.
Ce dernier coffret est le témoignage d'une tournée entreprise en février 2007 par Rhys Chatham et dont l'unique but était d'interpréter Guitar Trio. La particularité est que le line-up est changeant, outre David Daniell (de San Agustin) qui joue sur toutes les dates, les musiciens changent à chaque fois et selon des raisons souvent purement géographiques : sur le concert de Brooklyn on dénombre Thuston Moore, Lee Ranaldo et Kim Gordon (décidément les Sonic Youth n'en ratent jamais une…) mais aussi Alan Licht et Jonathan Kane. A Chicago c'est au tour de Douglas McCombs, Jeff Parker ou John McEntire. A Mineapolis un certain Greg Norton s'occupe de la basse. Sur d'autres dates on remarque Tony Conrad ou Bill Brovold. Que des line-up de rêve et autant de versions de Guitar Trio, dix en tout, pour goûter complètement à l'absolutisme d'une pièce maîtresse composée pour guitares électriques. Autant dire qu'il faut être musclé du bulbe céphalique pour arriver à s'enfiler les trois disques d'affilée. Mais rien n'empêche de picorer, de comparer. De toutes façons on y revient toujours.

Haz (20/03/2008)