Neptune
Gong Lake - LP
Radium/Table Of Elements 2008

Neptune, trio de sculpteurs-musiciens, Geo Trouvetou new-yorkais doublé d'alchimistes du bruit. Tout est made at home chez les Neptune, jusqu'aux disques pour la plupart autoproduits et en tirage hyper limité, non pas par souci de spéculation mais par manque de moyens rédhibitoires. Le label Table of Elements (et sa sous-division Radium) leur offre pour la première fois une exposition internationale et une distribution digne de ce nom. Ce n'est que justice pour ce groupe qui ne cesse de chercher, innover, créer, bref, se sortir les doigts du cul pour offrir une alternative à un monde musical plus enclin à la copie qu'à trouver sa propre voie. Pour autant, la musique de Neptune ne débarque pas d'une autre planète. On cite souvent Einsturzende Neubauten, The Ex, Cop Shoot Cop pour parler de leur musique. A cette liste non exhaustive se rajouterait notre feu-Bästard si ces derniers avaient été plus unanimement reconnus sur la scène internationale.
Pour autant, Neptune s'est affranchi de ces influences pour n'en garder que l'esprit avant-gardiste, cette perpétuelle course vers l'infini inconnu bien que la formule Neptune soit désormais établie. Mais il fallait profiter de cette exposition nouvelle pour montrer au plus grand nombre de quoi ils étaient capables.
Gong Lake est un parfait résumé de leurs dernières années de travaux, depuis que le quatuor s'est mué en trio. Mettre la barre suffisamment haute dans des compositions irréprochables pour épater la galerie et mettre définitivement Neptune sur la carte du rock. Neptune triture ses oscillateurs et synthés maison au service du rock. Mais c'est aussi son contraire. Neptune rock et donne du sens à ces expérimentations. Le bruit pour le bruit, très peu pour Neptune (ça ils le gardent pour leurs maxis). Tout autant cérébral que viscéral, la force de Neptune est de toujours garder les pieds sur terre, avoir le souci de l'accroche autant mélodique que rythmique. Gong Lake en regorge. Après une courte introduction pour marquer son territoire, Grey Shallows annonce le meilleur du meilleur et un morceau qui vous donne de suite envie de prendre le premier bidon venu et taper dessus comme un sourd. Plaisir prolongé par Paris Green, présent sur le précédent maxi. Mécanique de précision, dynamique implacable et les stridences onctueuses qui viennent perturber l'ordre établi. La caisse claire de Purple Sleep est un piston diabolique. Neptune a encore été faire un tour à la décharge voisine et redonne une seconde jeunesse à un tas de ferraille lors d'un brillant instrumental hypnotique. Neptune, c'est aussi un vent glacial. Yellow River est froid comme l'acier, prolongé par le robotique Cooper Green et nous rappellent douloureusement que le son de Neptune n'est à nul autre pareil. La faute à leurs instruments fabriqués par leurs propres mains, donnant une coloration dure et compacte, un tas de chair froide que Neptune ne cherche pas à attendrir. La fin de l'album ne réchauffera pas plus la banquise. Neptune se fait menaçant, maltraite son xylophone électrique, sort le gros bidon d'essence, se fait sourd aux injonctions de la mélodie, erre dans un no man's land industriel attirant, se créant pour l'hiver une ambiance louche et bien personnelle. Ils nous quittent sur un Red Sea tour à tour inhospitalier et tribal et quelques résidus électroniques. Ce n'est pas aujourd'hui qu'ils vont faire dans le compromis. Un groupe exigeant mais c'est fait avec intelligence et une putain de classe.

SKX (22/03/2008)