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Andy
Moor
Marker - CD
Unsounds 2007
Qui a envie
d'écouter un disque de solo de guitare électrique ? J'ai
dû me dire la même chose pour L'Ocelle Mare. Mais quand c'est
Andy Moor, le guitariste de The Ex qui s'y colle, on a quelques raisons
d'espérer. L'espoir de ne pas subir des soli à tour de bras,
de la masturbation de manche à s'en filer des ampoules, de l'air
guitare avec une guitare (??). On peut craindre par contre une certaine
âpreté, voir austérité, voir, soyons fous,
de l'incompréhension totale face à un jeu qui n'est pas
réputé par son académisme. L'Anglais (né à
Londres en 1962) a beau mettre de la mélodie dans The Ex (ou encore
Dog Faced Hermans dans une autre vie), ces autres projets (Kletka Red)
et collaborations avec toute une clique d'improvisateurs ne sont pas là
pour rassurer le tympan en quête de repos.
Bizarrement, c'est son premier album en solo, un recueil de compositions
allant de 2000 à 2006, écrit au gré des voyages et
rencontres, selon l'inspiration du moment, son repas du midi et le temps
qu'il faisait. Et à écouter ce Marker, le soleil n'a pas
dû souvent briller sur la route de Andy Moor. Avant de parler technique
et outillage, c'est d'humeur qu'on va causer. Et l'humeur est à
la mélancolie. Andy Moor n'est pas là pour tailler la bavette
à s'arracher les cordes de la guitare qui en a vu d'autres dans
la maltraitance et la joie de vivre (ce n'est pas incompatible). La guitare
n'est qu'un vulgaire instrument, une machine à sortir des sons
et Andy Moor l'a toujours envisagé sous cet angle. Ne pas cherchez
à la respecter, l'expérimenter sous toutes les coutures
possibles, lui faire pleurer sa mère et en sortir quelque chose
de plus original que les sempiternels soli de guitare rock'n'roll vus
et rabattus.
Sauf que pour ce coup ci, il choisi la carte de la sobriété.
Il continue de frapper, pincer, étirer ses cordes, les désaccordent
tout en jouant, leur faire connaître autre chose qu'un diapason
ou le bout de ses doigts mais sans son sens débordant habituel.
Quasi austère le père Moor. Plusieurs morceaux m'évoquent
le théâtre No (les huit minutes de 3am et Stadium
par exemple), allez savoir pourquoi, je m'y connais autant qu'en claquettes.
Un je ne sais quoi en tout cas de parfum asiatique, des compos épurées,
du calme qui tombe et le silence qui s'installe entre les notes. D'autres
morceaux tendent également vers l'abstraction et la face improvisée
du personnage, sont issus à la base d'ébauches de compos
pour des films ou des spectacles de danse pendant que d'autres titres
sont tout simplement de belles ballades mélodiques qui aurait pu
servir de trame à The Ex (Alex et Truth in Numbers).
Andy Moor ne se donne pas de limites, passe allègrement de morceaux
intimistes avec sa seule et fidèle guitare à des compos
plus orchestrées. La guitare se dédouble, se triple et avec
son art de sortir des sons de nul part, on ne sait pas toujours bien si
ce qu'on entend provient de ses six cordes ou d'un quelconque objet instrumental
non identifié (oini) ! Une collection automne-hiver à l'image
des instantanés parsemant le livret de la pochette. Impressions
fugaces de destinations tour à tour rebutantes ou plaisantes. Soit
on part dans son sillage, soit on reste sur le tarmac. Dans l'ensemble,
le voyage vaut le détour.
SKX (16/04/2008)
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