Keiji Haino & Tatsuya Yoshida
Uhrfasudhasdd - CD
Tzadik 2008

En bon démiurge qu'il est, John Zorn aime provoquer les rencontres de musiciens via sa propre activité d'instrumentiste et via son club ou son label Tzadik, bien connu des snobs et des exégètes. Souvent cela fonctionne plutôt bien mais cela peut également virer à la grosse catastrophe (Mirakle de Derek Bailey avec Jamaaladeen Tacuma et Calvin Weston par exemple, le regretté guitariste disait à propos de ce disque que Zorn avait profité d'une session de Bailey à New York initialement prévue pour tout autre chose pour lui présenter les deux autres musiciens et qu'il avait accepté l'idée d'un enregistrement uniquement pour faire plaisir à un "vieil ami").
Uhrfasudhasdd est le deuxième enregistrement de Keiji Haino et Tatsuya Yoshida publié par Tzadik, après le très dispensable New Rap. Cette première parution voyait les deux icônes japonaises se cantonner à leurs instruments principaux (guitare pour le premier et batterie pour le second) et improviser avec plus ou moins de réussite une sorte de free rock bruyant par endroit, soporifique à d'autres, ennuyeux souvent. Un disque laissant l'éternel regret de ne pas assister à cela en direct lors d'un concert -les grimaces de muppet de Yoshida et la maîtrise irréelle de Haino étant irremplaçables. Avec Uhrfasudhasdd c'est une autre histoire. Nos deux papys ont considérablement renforcé leur arsenal -flûte, basse, clavier, effets midi- et ont développé un peu plus leurs idées au lieu de se contenter de faire tourner la bande pendant leurs conversations d'instrumentistes chevronnés et d'improvisateurs confirmés.
Le résultat est donc un album varié qui attaque très fort (Ryufoispjekkossd), sait prendre quelques détours hypnotiques (Zhuddiposshk), devenir folklorique (Mkdoijadih) et réveille les sens (Thuguigodssphiff, bonne relecture de l'hystérie coutumière des Ruins). Il y a bien sûr des longueurs, des facilités, de la branlette de fin de bandes et du rebu pour lequel la poubelle du studio aurait été une place plus appropriée mais globalement, voilà un disque qui va réjouir celles et ceux qui ne sont pas encore blasés des outrances et de la radicalité de la scène japonaise. Trop barré pour être qualifié de prog, trop démantibulé pour être classiquement free.

Haz (21/09/2008)