Bellafea
Cavalcade - CD
Southern 2008

C'est dingue comme la provenance géographique peut conditionner votre approche d'un groupe. Si tu viens de Lyon, tu fais sûrement du Bästard. Tu es de Seattle, arrête deux secondes de te prendre pour Nirvana. Tu es de New-York, t'as déjà plus l'embarras du choix mais t'es sûrement trop arty. Chicago, je t'en parle même pas, Albini est ton Maître. Idem pour Washington DC avec D pour Dischord et C pour Fugazi. Par contre, si tu viens de Rennes, on te laissera peinard sauf si on te dit que tu fais trop du Skippies et là, t'as plus qu'à aller te pendre. Alors Chapell Hill, North Carolina, ça vous parle peut-être moins mais pour toute une génération de jeunes qui ont vieilli, c'est tout un pan de la musique indé américaine qui défile devant vous, le symbole même de l'indie-rock US, l'idée même du college radio. Bitch Magnet, Superchunk, Polvo, Merge records et un tas d'autres groupes plus obscurs mais qui ont toujours défendu un certain son, une approche de la musique identique faite par de bons petits blancs tout gentils qui ont écrit une belle page d'un rock noisy aux vertus mélodiques. Une équation universelle mais à Chapel Hill, elle sonnait comme nulle part ailleurs. Alors quand on voit estampiller le nom de cette ville sur le blaze de ce nouveau groupe, Bellafea, un tas de préjugés entrent en piste et trente minutes plus tard, c'est avec plaisir qu'on s'aperçoit que Bellafea a repris le flambeau. Que les années à ronger toutes sortes de freins finissent toujours par retomber sur le même pneu. Et celui de Bellafea est beau comme un camion et nerveux comme une belle italienne, laissant sur l'asphalte une trace de déjà vu mais traçant sa route sans se retourner. Une guitare noisy juste ce qu'il faut, revêche et séduisante, tout comme le beau brin de voix de la donzelle qui la tient, Heather McEntire, dessinant des mélodies se laissant adopter sans broncher, on pense que c'est du tout cuit, elle va se laisser cueillir comme une fleur, avant la crise de nerf inévitable. Bellafea est comme tous les groupes du coin, ils ont le goût de la simplicité et de l'efficacité. Rien de complexe mais des mélodies qui coulent de source avec le violon d'un invité venant régulièrement enrober le tout comme sur le touchant Telling The Hour, évoquant toute la subtilité d'une Shannon Wright. De la rapidité dans l'exécution, des compos enlevées, le trio Bellafea a le classicisme des aînés, l'enthousiasme des jeunots et Cavalcade un premier galop réussi.

SKX (30/07/2008)