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Qui
Love's Miracle - CD
Ipecac 2007
A la question
inévitable du rigolo de service qui vous demandera, c'est qui Qui
?, vous pourrez toujours répondre que c'est le nouveau groupe de
David Yow (le charismatique chanteur des ex-Jesus Lizard et Scratch Acid).
Sauf que cette réponse est très inexacte. Qui, c'est avant
tout un duo batterie-guitare qui existe depuis sept ans avec un premier
album sous la houlette de cette doublette en 2003, le dénommé
Baby kisses sur Heart of a Champion records. Puis ils ont eu ce
coup de génie, l'inspiration divine de recruter le Yow en retraite
des micros et comme par miracle, les voilà sorti de l'anonymat
le plus complet. Car franchement, qui avait entendu parlé de ce
premier album ??!! Pas moi en tout cas et si David Yow ne s'était
pas rajouté au générique, il est fort à parier
que l'interrogation à la question c'est qui Qui serait resté
encore longtemps sans réponse. Cette recrue de luxe a déjà
le mérite de nous éclairer le passé. Même quatre
années plus tard, on ne va pas rechigner à l'effort sur
ce Baby kisses. Ce n'est pas que cet album soit un trésor
injustement enfoui mais on aurait tort de s'en priver. C'est un duo comme
beaucoup de duos. Rien de révolutionnaire mais ce qu'il a à
faire, il le fait bien et avec conviction. La tension est toujours latente.
La guitare sonne. Le riff appuyé, tranchant, aimant rester sur
la même note pour nous faire saliver une explosion qui n'arrive
pas forcément. Le jeu de Duane Denison (guitariste de Jesus Lizard,
jeunes incultes !) ne doit pas le laisser indifférent, le bougre.
Particulièrement sur le morceau Belt. Autant dans les arpèges
pleins de classe que dans la construction de la composition. On ne peut
pas leur en vouloir. David Yow non plus. Paul Christensen (batterie) et
Matt Cronk (guitare) se partagent le chant qui tranche avec les habituels
hurlements qui vont de paire avec ce genre de musique virulente. Un chant
posé, voir parlé, à l'image de cette musique tout
en non-dit, sur le qui-vive et qui prend son temps pour nous faire saliver
en de brusques virulences contrôlées et montées avortées.
Un disque suffisamment intéressant pour attirer le lézard
en chef. L'histoire ne dit pas (pour l'instant) comment s'est faite la
rencontre. Si ils ont usé leurs fonds de culottes sur les mêmes
bancs d'école ou par annonce, groupe qui veut se faire un nom cherche
petit jeune motivé pour assurer le spectacle. Toujours est-il que
l'arrivée de Yow ne bouleverse pas l'ordre établi. Les deux
autres n'ont pas abandonné au reptile pervers leurs prétentions
à la chansonnette. Tout le monde se colle aux voix et comme Yow
ne fait pas du Jesus Lizard quand il l'ouvre et que de nombreux passages
restent instrumentaux, sa présence n'écrase pas ce disque.
A un point tel que sans la promo faite autour de cet album et de l'arrivée
de cet illustre membre, on aurait été bien en peine de deviner
ce qui se tramait derrière le décor. Matt Cronk continue
d'infliger des riffs massifs et précis tout en peaufinant ses pointes
mélodiques. Le tempo est toujours entre deux eaux. Le son semble
gagner en puissance. Le début du disque est en ce sens très
prometteur. Quatre premiers morceaux (dont deux figuraient déjà
sur un single sorti par Infrasonic Sound au printemps) qui passent comme
les doigts dans une porte bien huilée. Equilibre bien en place
de riffs ingénieux, d'un batteur très capable et de vocaux
délibérément à contresens. Option chant clair
et mesuré. Tout juste une tension bien palpable insufflé
à Today, gestation par un David Yow qu'on sentait déjà
muer sur la fin de Jesus Lizard, quelques grognements et cris pervers
sur les excellents Gash et Freeze.
Les choses se gâtent à partir de New Orleans. C'est le titre
du cinquième morceau. Si musicalement on reste dans le (bon) ton,
le chant que l'on pressentait casse-gueule tombe pour de bon. L'intervention,
même brève, de ce chant posé et mélodique ne
passe pas et vient tout gâcher. Idem sur le suivant (A#1)
où l'essai de ces churs aériens sur un rythme lent
n'est pas des plus judicieux. Avec le suivant Willie the pimp,
c'est carrément l'ensemble qui fait tâche. Normal, c'est
une reprise de Zappa. On sent bien du second degré derrière
tout ça, ce solo de guitare et les pitreries au chant mais ça
coince sérieusement. Tiens, on retrouve le Belt de Baby
kisses, réenregistré pour l'occasion mais très semblable
à l'arrivée. L'hommage définitif à Jesus Lizard.
Qui nous quitte avec un Echos qui ne se répercutera pas
longtemps malgré les six bonnes minutes qui commencent comme une
mauvaise reprise d'un morceau ringard (je hais les Flamands Roses) et
se transforment vite comme une mauvaise blague tout court. Après
un bon départ, l'album dérape et se perd en route dans des
expérimentations mélodiques et visqueuses risquées,
un rock-noise où la tentative de mélange des genres se révèle
crispante avec des reprises à la con à la clef. Qui à
deux, c'était finalement mieux. Sauf pour la renommée.
Il nous reste plus qu'à attendre les concerts de Qui en France
en décembre prochain, histoire de vérifier si David Yow
reste sur les planches le grand David Yow. Que son changement de personnalité
ne concerne que sa nouvelle manière de chanter qui est loin d'être
concluante et qu'à la question de savoir qui c'est qui a la plus
grosse, on répondra, c'est toujours David Yow.
SKX (02/09/2007)
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