Gone Bald
100 Ways To Become Cool - CD+DVD
Narrominded 2007

Gone Bald fête ses 12 ans et demi d'existence. Pas ses 10 ou ses 20 ans comme tout le monde. Non, 12,5. Douze années et six mois de la vie d'un groupe rock-noise underground. Et jamais le mot underground n'a eu autant de signification qu'avec Gone Bald. Douze années à galérer de squats pourris en clubs à moitié vides. Douze années à sortir des albums qui n'intéressent toujours que la même poignée de fans. Douze années d'un groupe toujours resté dans la marge, qui n'a jamais vraiment décollé et qui galère toujours autant.
Dans le DVD qui accompagne ce nouvel album et qui se veut un hommage au groupe, il y a un court documentaire cruel de vérité et qui résume bien toute la vie de Gone Bald. 10 minutes d'auto-flagellation que le trio n'a pas hésité à inclure en toute franchise ou Ivica Kosavic (aka Razorblade Jr, tête pensante du groupe et seul survivant d'origine) pète sa gratte à la fin d'un concert et quitte la scène, désabusé. S'ensuit une conversation backstage avec le batteur qui semble (ma compréhension de l'anglais n'est pas irréprochable) lui reprocher son geste. Et là, à ce moment précis, sur le visage de Ivica et dans ses propos confus, on sent toute sa lassitude, tout son ras-de-bol de douze années de survie, où rien ne marche comme il veut, pas de tournées de prévue pour la sortie de cet album, une promo quasi-inexistante, un soutien proche du néant. L'espace de quelques minutes, il n'y croit plus et si le groupe splittait à cette seconde même, on ne serait pas étonné. Il quitte la pièce en claquant la porte. On aimerait lui dire de revenir, que tout ça c'est pas grave, c'est juste de la musique, du putain de rock, de l'entertainment. Mais Razorblade Jr., il a ce groupe dans la peau et de le voir ainsi est vraiment touchant. Beautiful loser.
Suit un autre documentaire ironiquement appelé We even have a band (l'auto-flagellation continue), retraçant toute la vie du groupe de 1994 à 2007. De Zagreb à Amsterdam. De tout ce chemin chaotique ponctué de sept albums, de plusieurs centaines de concerts et d'un Ivica en personnage central qui ne se lasse pas de raconter l'histoire du groupe, de son groupe, la flamme dans les yeux. Des interviews, des extraits de concerts avec les membres originels, leurs toutes premières répétitions, des morceaux live dans leur intégralité, essentiellement à Amsterdam et deux clips comme des grands. L'hommage que Gone Bald se fait à lui-même, conscient qu'on ait jamais aussi bien servi que par soi-même et que si ils attendent que quelqu'un le fasse à leur place, ils peuvent toujours courir. On retrouve dans cet objet un livre retraçant toute leur histoire avec multitudes de photos, de flyers, de messages et essais témoignant leur amour à Gone Bald. Ivica est ce maniaque qui collecte tout ce qui se trouve à propos de son groupe.
Figure également un CD. Un nouvel album avec sept nouvelles compositions. Ca pourrait être bien là l'essentiel mais - et ça me fait bien mal de le dire - ce n'est pas le meilleur Gone Bald auquel on a le droit. Ou alors c'est juste moi qui me lasse. Razorblade Jr est un indécrottable amoureux de la musique noise-rock. Rien, plus rien, ne le détournera de ce chemin. A force, l'inspiration commence à faiblir. C'est toujours la même recette. De longs développements où la guitare joue le rôle central à l'image de celui qui la tient. D'arpèges dociles en riffs assassins. Ce coup ce, Razoblade Jr a cru bon rajouter quelques soli à deux, trois occasions. C'est pas sa meilleure idée. Gone Bald reste dans cette mouvance Amphetamine Reptile/Touch and Go, ce groupe avec du punch, intense mais jamais belliqueux pour des compositions très évolutives. Gone Bald fait du Gone Bald. C'est-à-dire que si ils ne s'en sortent pas avec une écriture inspirée, ils peuvent rapidement tomber dans un style passe-partout et qui prend un gros coup de vieux. 100 Ways To Become Cool manque d'ampleur et ne décolle jamais vraiment. Sept morceaux pas désagréables en soi, on a le droit à de bons moments mais même dans leur jeu, on sent comme une lassitude. Ce n'est en tout cas pas avec cet album que Gone Bald va sortir de l'ornière et capter la lumière de la reconnaissance. Reste un témoignage touchant sur la vie d'un groupe underground et qui pourrait s'appliquer à des centaines d'autres…

SKX (18/11/2007)