|
|
Ventura Ventura cesse les splits et enchaîne sur l'album, le premier. Pas question de capituler ! Devise locale de la commune de Savièse que ces Suisses ont acollé sur une très belle pochette cartonnée. Pa capona, cri de ralliement de compatriotes particulièrement têtus, prêt à attaquer les parois les plus hostiles pour décrocher l'eau. Cet album serait-il leur montagne à eux ? Treize morceaux. 53 minutes d'âpres émotions (70 avec le morceau caché en toute fin de parcours). Une tendance générale à se draper de noire. Une sourde colère. Il est clair que la face Ventura n'est pas le versant le plus facile à escalader. Pourtant, la musique de Ventura glisse facile de prime abord. Une montagne qui n'a pas l'air bien sauvage. Pas de vilains pics et de falaises abruptes. Ventura déclare avoir voulu créer ce groupe comme un hommage à l'indie-rock qu'ils chérissent tant (et que leur parcours musical n'avait jamais fait sentir : des ex-Iscariote, Illford et Shovel). Et c'est vrai que leur rock à trois possède une touche de classicisme et des mélodies aisées à capter, avec suffisamment de virilité pour ne pas faiblir dans des passages difficiles, des décrochages où l'ivresse du vertige se fait sentir avant qu'une brusque bourrasque ne vous remette dans le sens de la montée. Mais c'est la faille qui nous guette. Plus on s'en approche et plus cette montagne abordable décèle en son sein des malaises, des fêlures, une noirceur sous-jacente, une mélancolie qui devient continue, sale brouillard qui ne se dissipe jamais. Ventura navigue entre traumatismes post-Slint et Bitch Magnet et un indie-rock enlevé avec une basse bien lourde et des explosions de guitare saturée pour la dimension noise. Ils ont su créer une ambiance personnelle à base de germes connus. Une nonchalance, une fragilité, toujours sur l'équilibre avec la gravité et quelque chose de rêche et douloureux. Des écoutes répétées qui révèlent son lot de richesse, essayer encore et encore et l'eau n'est pas loin d'être au bout du chemin. |