CHEVAL DE FRISE
La Lame Du Mat - 10''
Minority 2005

La lame vient se briser une dernière fois sur nos maigres récifs. Les deux de Bordeaux ont décidé de mettre un terme définitif à leur collaboration. Un fameux duo comme on dit un fameux trois mats. Une paire qui aura marqué la scène française. Une personnalité et une musique à part, loin des modes, seuls sur leurs galères à tenter l'improbable fait musique. Au petit jeu toujours stupide des influences, bien malin qui pourrait mettre des noms tout en faisant l'unanimité. Leur tour de force aura été en deux albums filants de créer un univers personnel, devenant par là même, Ze influence pour une pépinière de groupes à venir. Leur rayon musique s'étalent entre d'obscures groupes contemporains et musiciens classiques au patronyme imprononçable et tiré à 43 exemplaires et une extrémité rock dans laquelle versent Craw et autres avatars noise-rock adeptes de la déstructuration systématique et bruitiste. Cheval de Frise en aura tiré une musique tendue et solennelle, brute et noble, des éléments contradictoires qui éclatent les certitudes. Un groupe au naturel, en autarcie dans son propre monde (chassez le naturiste, il revient au bungalow). Cheval de Frise avant de monter sur les planches, c'était aussi stressé qu'un troupeau de Miss France avant l'annonce de la lauréate. Les planches sublimaient leurs compositions. Les portes émotionnelles de leur univers étrange s'ouvraient sous la lumière. Des insectes pris dans les feux et qui s'emballaient, névrotiques et généreux. Avec tout ça on en oublierait presque de parler de leur dernière offrande. Anachronique comme leurs titres de morceaux qui en l'occurrence pour ce disque n'existe pas. La pochette porte le deuil du groupe. Noir et blanc. Sobriété coutumière. Parti faire une escapade l'été dernier chez les Américains pour une série de concerts, ils en ont profité pour enregistrer cinq morceaux avec Jay Pellicci (musicien émérite de Dilute) et invité John Dietrich (Deerhoof, Gorge Trio, Colossamite) gratouillé sur le morceau d'ouverture. Cette fois ci, pas d'erreur de mastérisation (pour la petite histoire, le second album a été pressé sans que l'erreur n'ait été remarquée d'où un son particulier. Il a depuis été corrigé. A vous de tomber sur la bonne copie !!). Le son respire les grandes étendues dans lesquelles s'attarde toute la mélancolie d'un dernier galop. Glisse dans les silences sa tristesse fin de siècle, ses volutes de guitare et sa rythmique recherchée et limpide. On ne saura jamais de quoi aura été fait leur futur mais ces compos augmentent la frustration. Dans leur quête perpétuelle de nouvelles pistes sonores, Cheval de Frise avec ces cinq titres semblent en adéquation avec leur exigence quasi-monastique de compositeurs pointilleux et le souffle rock qui les sublime. Après un Fresques Sur Les Parois Secrètes Du Crâne qui marquait un nouveau départ encore non abouti, La Lame Du Mat les montre sur le bon chemin, ouvre de nouvelles portes qu'ils referment subitement. Fauché en pleine course. Le cheval ne défrisera plus et c'est bien dommage.

SKX (09/04/05)



Version CD sur Ruminance records :