Bumblebees
Cissetive - CD
Emolution 2004


Sept années déjà depuis la première sortie officielle du groupe en 1997, un split avec leurs potes de Rroselicoeur. Le groupe de Reims a poussé les murs, élargit son champ de vision et le parcours a fière allure. Ce troisième album est une nouvelle étape dans leur discographie. L'esprit noise et frondeur continue de hanter les compositions. Vague de guitares qui partent à l'assaut, dead zone schizophrénique où se côtoient les riffs surpuissants d'un Isis, un brouillard d'où émerge Godspeed You et une descente en son clair pour vous laisser pantelant sur le bitume. Toujours se méfier d'un Bumblebees énervé. Le début d'album avec Triangle ou Baragouine est symptomatique de ce processus aliénant. Suit Klub Barak 79 et son sample d'un Bourvil serbe pour reprendre sa respiration. Mais Bumblebees a le vol en rupture, une adaptation bien personnelle de la vie, leur partition en suit le cours, ses hauts et ses bas. Si le fond de commerce est bruyant et majoritairement rock, Bumblebees s'ouvre à d'autres horizons. Le calme d'une ballade orientale sur Smazene Syr. L'intimité d'un Corned Beef. Une diversion riche en mouvement avec le (faux) dernier et long morceau Stolnjak (puisque qu'un titre est caché en fin de CD). Des mélodies toutes simples et fortes. Du lyrisme, de la fragilité derrière le mur du son parfaitement orchestré, de la finesse derrière le gros grain. L'ouverture n'est pas seulement musicale. Bumblebees a pris un risque en développant la partie chant… en français. Des adaptations de textes de Marcel Duchamp, Alfred Jarry ou encore Francis Picabia. Un exercice périlleux pour ce type de musique enracinée dans l'anglo-saxon. Convaincant quand le chant est hurlé et noyé dans la masse. Surprenant de prime abord quand il est clairement énoncé, on fronce les sourcils, la coloration prise tourne à l'exotisme sur ses propres terres, l'oreille s'habitue modérément. Mais tout ça s'inscrit bien dans l'approche générale de Bumblebees. Terre de contrastes, ne pas s'enfermer dans une coquille protectrice, s'essayer à de nouvelles choses, quitte à ne pas trouver l'essai toujours concluant. Le gang des barbus continue de tracer sa route. Le résultat est inégal avec des morceaux grandioses et inspirés pendant que d'autres marquent le pas, celui de la recherche inaboutie. Ce disque balise en tout cas son territoire. Alors que d'autre se contentent de suivre des chemins tout tracés, Bumblebees prend de la hauteur, dessine les contours d'un monde personnel et bigrement intéressant, quitte à se perdre un peu en route.

SKX (01/02/2005)