TEN GRAND
This Is The Way To Rule - CD
Southern 2002

Cette chronique (même tardive) aurait pu être tout autre. Mais voilà, l'été et son cortège funèbre sont passés par là et l'annonce de la mort en août dernier de Matt Davis, chanteur principal et l'un des deux guitaristes de Ten Grand modifie l'écoute de cet album, l'un des trois, quatre meilleurs trucs qu'il m'ait été donné d'écouter cette année. Entendre cette voix si intense, au timbre unique et vous dire que c'est la dernière fois vous file le bourdon. Quand en plus, vous vous remémorez leur concert à Rennes (unique date française) en mai dernier, leur prestation qui vous explose les tripes et vous rend joyeux jusqu'à l'hiver prochain et que des dizaines d'images de ces deux jours en leur compagnie vous reviennent instinctivement quand vous enclenchez ce CD dans votre machine, la musique de Ten Grand prend alors une dimension singulière. Après avoir débuté sous le nom The Vidablue, nos quatre lascars de Iowa City changèrent pour éviter un procès avec un gros groupe ringard du même nom et cet album, le deuxième sous leur nouveau patronyme, marque aussi comme une seconde naissance. Un palier franchi qui fait passer leur très honnête premier album pour un tir encore mal ajusté ne sortant pas du lot, vers une musique fortement émotionnelle et personnelle. On ne va pas chercher à catégoriser. Ten Grand se situe entre et au-delà de tous courants. Rock. Toute l'urgence et la finesse. Toute la candeur et la chaleur. Ses coups de butoirs et ses coups de gueules (I Will Seriously Pay You To Shut Up). Sa ballade monstrueuse qui vous arrache à vous-même (Wedding Song For Steve And Angie). Son apparente complexité et sa fulgurante efficacité. Dix morceaux, dix personnalités, toute une vie qui défile. Et toujours cette voix qui revient, cette voix de black américain, au grain si incandescent, qui donne aux compos de Ten Grand une aura et une profondeur de champ unique en son genre. L'histoire de quatre modestes gars du Midwest américain qui mettent dans leur musique toutes leurs tripes et le cœur avec, exutoire de frustration et de colère. Un disque qui hante votre étagère, rangé parmi ceux dont on ne se séparera jamais, même au plus profond de la dépression. This Isn't Heaven, This Sucks écrivait-il. C'est bien connu, c'est toujours les meilleurs qui partent en premier. A nous, il reste que du bonheur et ce passage, si court fut-il, valait vraiment le coup. Merci pour tout.

SKX (15/12/2003)