DEERHOOF
Reveille - CD
5 Rue Christine/Kill Rock Stars 2002

Groupe insaisissable tournant autour du noyau dur Greg Saunier - Satomi Matsuzaki, Deerhoof sort son cinquième album. Au moins car pas facile de suivre la cadence. Un couple fatale qui ne cesse d'accueillir en leur foyer d'innombrables rejetons pour faire du bruit en famille. Cette fois-ci, c'est John Dietrich (Gorge Trio et ex-Colossamite) qui prend le balai à six cordes. Pour ce nouvel album, ces sabots de cerfs (traduction littérale de Deerhoof) posent les pieds dans un plat similaire à Holdypaws leur précédent album. Deerhoof œuvre dans la continuité. Ça n'a pas toujours été le cas. Mais après des débuts très noise bordélique, pop-noise famélique, la théorie du tout et n'importe quoi avec trois bouts de ficelle, Deerhoof semble, je dis bien semble, s'assagir et poser ses valises dans un environnement pop (très) décalé. La constance reste cet esprit dérangé, cette volonté de rompre avec les structures, de présenter seize piécettes en trente minutes avec l'entrain d'une bande de gosses laissés seuls dans une pièce remplie de jouets. Pour faire pro, nous parlerons ici d'avant-gardisme et d'expérimentations de troisième decan. Et le pire, c'est que tout ça est foutrement intéressant! Chaque morceau possède son gimmick intriguant, son effet retors, ses mélodies en équilibre qui font mouche, ses bouts de guitares qui pendouillent. Un travail sur les guitares d'ailleurs remarquable d'esprit aventureux. Sans compter sur le charme de Satomi Matsuzaki dont l'origine asiatique n'est pas le seul point commun avec la chanteuse-bassiste de Blonde Redhead. Timbre haut perchée, enfant de la balle aux pays du larsen, Satomi conduit ses troupes, l'esprit enfantin mais la main ferme. Blonde Redhead reste en tout cas le point de repère le plus évident. Reveille possède ce charme acidulé qui attire irrésistiblement et en même temps trompe son monde. Cette fausse pop déglinguée aux éclats à double-tranchant. Des comptines pour grandes personnes. C'est touche-pipi dans les toilettes des grands. Un bon petit vent vicieux à consommer avec délectation en se léchant bien le bout des doigts.

SKX (11/07/2002)