SHUB - interview avril-juin 2014

Oui deux mois pour faire une interview, c'est long mais Shub ne s'est pas fait en un jour. C'est même en 1996 que la petite histoire a commencé. Mais c'est surtout à partir de 2008 avec l'album The Snake, The Goose & The Ladder, puis Fuck My Luck en 2010 et enfin le petit dernier, Spot The Difference, que
l'histoire s'est emballée puis consolidée. L'interview aurait pu se faire le 24 février dernier lors de leur venue à Rennes avec The Stnnng et Ruby Red Gun mais franchement, un soir de concert, on a autre chose de mieux à faire que de poser de pénibles questions. Interview donc par mail avec Raphaël (guitare/chant) et Ben (batterie) et Didier (basse) mais pour ce dernier, uniquement par les pensées.

Comment s'est passée la tournée avec The Stnnng ? C'était votre première expérience de tournée avec un groupe étranger ? Avez-vous l'habitude des (longues) tournées ?

Raph : Au départ, Greg Reju nous a proposé de tourner avec STNNNG pendant une période on l'on avait prévu de chercher des dates. A la base, on n'était pas forcément chaud à l'idée de partir une semaine avec un groupe qu'on ne connaissait pas personnellement, avec location de camion et prêt de notre matos. Musicalement, c'est un groupe que j'appréciais depuis quelques années et l'interview qu'avait faite Bil dans Noise Mag donnait une image plutôt positive et simple de ces gars. Donc au final, après moultes discussions, on a accepté de jouer le jeu, Greg s'est bien bougé pour trouver des dates relativement rentables pour rembourser au maximum leurs billets d'avion.
A partir de là, il n'y avait plus qu'à … et ça s'est très bien passé. Ils ont même un peu halluciné sur l'accueil en France par rapport aux USA: des dates où l'on te paie, te nourrit, te loge et où des gens se déplacent (parfois nombreux) pour te voir!

Allez-vous un jour vérifier votre théorie comme quoi le Gard et le Texas se ressemblent en allant faire un tour du coté des USA ?
R : On a pas mal discuté des conditions de tournée aux USA avec les STNNNG et j'avoue que ça calme, ils nous ont même proposé de nous rendre la pareille, sachant que même en tournant autour de chez eux, ils nous ont prévenu que ça ne serait jamais aussi chouette que cette tournée française. Alors, tourner aux USA, pourquoi pas sur le principe, mais il faudrait qu'on ait de la thune à perdre et du temps devant nous. Et puis si le Texas est effectivement une version géante de notre Gard, on est pas dans la merde!

Peut on revenir sur l'histoire de Shub ...? Je crois que vous avez sorti votre 1er enregistrement en 2002 ? Vous avez eu différents line-up avant de vous stabiliser en trio... ?
R : Notre première démo date de 1996, en trio avec Francisco, Ben et moi, c'est-à-dire la première mouture officielle du groupe-d'ailleurs, cette démo avait été mise en boite en une journée par Didier qui rejoindra le groupe quatre ans plus tard. Mais le premier enregistrement officiel date de 1998, c'était un split CD (Kaiser Cabinet) chez Nova Express avec Bananas At The Audience et Mary Dress. A cette époque, Francisco s'était installé à Londres ( il joue depuis une paire d'années dans un super groupe là-bas qui s'appelle Pulpo), Jérôme Petit nous avait rejoint à la deuxième guitare. C'était un peu le bilan de notre première période. Après, effectivement, on est repassé en trio avec le départ de Francis, Didier est arrivé en 2000 mais ce n'est qu'en 2004 que Shub se stabilise en tant que trio.

Quelles étaient vos motivations au début avec Shub ? J'ai l'impression que ça toujours été fait en dilettante, sans vraiment d'attente ? Jamais eu envie comme vos potes de Marvin de vous investir à fond dans le groupe et d'essayer d'en vivre ?
R : La musique a toujours été une partie indispensable de nos vies. Alors en dilettante, bien sûr, puisque ça signifie pratiquer un art par plaisir, en amateur. Après, je ne me considère par comme un musicien du dimanche, celui qui reprend Pink Floyd ou Nirvana pour rigoler entre potes. On a toujours composé, même pendant cette traversée du désert (fin des 90s/ début des 00s) où tout le monde se tournait vers l'electronica, la techno ou plus tard le post rock instrumental, où l'on ne jouait qu'une ou deux fois par an car les lieux de taille humaine étaient inexistants.
Pour ce qui est de s'investir à fond comme Marvin, il faut voir le nombre de bornes qu'ils se sont tapés pour en arriver là. Je pense vraiment qu'ils méritent d'en vivre, ce ne sont pas des arrivistes avec le cul bordé de nouilles. De notre côté, contrairement à Marvin, personne n'habite dans la même ville, on a tous des situations familiales avec femme et enfant et des situations professionnelles qui rendent l'organisation de tournées intensives plus compliquée : car le nerf de la guerre est là, la tournée sans fin pour écouler les stocks de disques que tu publies. Tu ne tournes pas, tu ne vends pas, en tous cas dans le genre de musique que nous pratiquons.

Ça veut dire quoi Shub au fait, ça vient d'où ?
R : Ça vient du groupe dans lequel jouaient Ben, Francisco et Didier, et qui s'appelait Bush Pilots. C'est un anagramme de Bush. Et accessoirement, je me suis rendu compte par hasard qu'en Hébreux ça signifiait (entre autres) go back, soit le nom de notre label.

Il n'est pas facile d'épingler vos influences. Est-ce du au fait que, tous les 3, vous écoutez chacun des musiques très différentes ou alors vous écoutez tous beaucoup de musiques? Vous avez pas mal de compromis à faire entre vous ?

R: Pour prendre les questions à l'envers: il n'y a pas vraiment de compromis, si quelque chose ne plaît pas à l'un d'entre nous, on l'abandonne ou on l'arrange. Je ne sais pas si l'on écoute beaucoup de musique mais avec l'âge, on devient plus ouvert, on s'inspire autant du rock indé,du post punk que du hiphop, du surf, de la musique classique ou tradi.

J'ai été assez surpris lors de votre concert à Rennes avec The Stnnng du volume sonore auquel vous jouez, surtout comparé à votre dernier album Spot The Difference dont je trouvais l'enregistrement manquant de puissance et d'ampleur. Dans quelles conditions a été enregistré cet album ? Pourquoi cette différence entre les concerts et les albums ?
R : Au niveau du volume en concert, depuis nos débuts on nous reproche (ou pas d'ailleurs) de jouer trop fort et depuis l'arrivée de Didier ça ne s'est pas arrangé... et c'est sûr que cette impression de volume a du mal à être retranscrite sur galette, car en plus nous ne sommes pas de fervents adeptes de la guerre du volume, qui rend la musique actuelle supra compressée, sans aucune dynamique et finalement assez plate. Et puis c'est quand même la honte de sortir un disque qui sonne dix fois plus pêchu, propre et carré que ce que tu es capable de retranscrire en live.

Pour le dernier album, il a été enregistré, comme d'hab, en live avec la voix en témoin, sur trois jours. Avec deux autres jours pour les voix et quelques overdubs. Les conditions étaient assez éprouvantes physiquement car dehors, c'était la canicule et la configuration du studio ne nous permettait pas de jouer dans la même pièce.
Pour ce qui est du son, on a voulu rendre hommage à tous ces albums qu'on adore et qui sonnent pourris comme Sister de Sonic Youth et You're Living All Over Me de Dinosaur Jr. Après, techniquement parlant, je n'ai pas participé au mix donc je suis mal placé pour t'en parler, mais le truc qui gène les noiseux et d'autres sur ce disque, c'est qu'on a pas du tout souhaité sonner Chicago sound, sous-Albini etc... et en plus, on s'est sûrement un peu trop focalisé sur les fréquences à raboter pour que ça rentre sur vinyle, sur les trucs à ne pas faire avec la stéréo (on a eu une expérience malheureuse sur le précédent disque à cause d'une gravure perrave). Au final, je trouve également que le son manque de brillance et d'ampleur d'une certaine manière, mais le côté positif de la chose, c'est qu'on ne sonne pas comme tous les groupes qui sortent en ce moment et qu'on aura une bonne excuse pour le ressortir avec un mixage alternatif :) Mais si j'ai un conseil à faire passer, c'est d'utiliser le bouton volume et les réglages de tonalité pour améliorer le confort d'écoute.

Vous semblez en tout cas faire le contraire des paroles de Snob Song puisque que Shub, c'était pas mieux au tout début, ni même avant et que vous avez sorti trois albums très homogènes qualitativement parlant. Quelle est votre ambition avec Shub ?
R : Notre ambition dans Shub c'est d'écrire de la musique qui nous plaise avant toute chose. Le jour où l'on aura l'impression de tourner en rond, on splittera pour se reformer le soir de la release party de la réédition de notre discographie en cassette.

Comment se comporte le rock/noise-rock dans le sud de la France ? J'ai l'impression que depuis une petite dizaine d'années, il est plus facile pour les groupes de ce genre de trouver des concerts dans ce coin de la France, plus de groupes ont émergé aussi ? Vous organisez vous mêmes des concerts ?
Ben : Oui c'est sûr qu'après l'énorme traversée du désert fin 90 - début 2000, aujourd'hui c'est plus sympa. Y'a plein d'assos qui se bougent un peu partout dans le coin et pas uniquement dans le ghetto noise rock. Ça va de Marseille avec Katatak (Fillette, Caraques, Conger ! Conger !) en passant par Béziers avec Gabu Asso (Mr Brenson), Villefranche de Rouergue avec l'équipe des Hauts-parleurs, Montpellier bien sûr avec les Konstrukt (Dure-Mère (r.i.p)), Abel de Head records, les bars Black Sheep, l'Up&Down mais aussi le Subsonic… Et enfin Nîmes, de là où nous venons. On y a créé l'Assos'y'song en 1997 avec des potes qui avaient un groupe de hiphop (Deneam) et Lou Deuns. Quand Shub a explosé géographiquement, Lou Deuns a continué et d'autres potes sont venus étoffer l'asso (Tony, Damien, Lou Bones,Lulu, Clara…), puis des rencontres avec les potes du Pakebot à Chadron, les Pord ou encore Roland et Pia à Marseille (Festival Strie Dent). Bref, tout ça pour dire que Nîmes est maintenant devenu ou redevenu bien cool au niveau des lieux et du public (l'Acoustik café, le Spot, La Paloma…).

Raph : Les membres de Shub n'organisent plus vraiment de concerts en ce moment, je l'ai fait entre 2001 et 2006 sur Montpellier, sous le nom de l'Assos'y'song ou du Noise Olympique (collectif informel (Marvin+Shub) dont le nom ressort encore parfois en bas d'une affiche le temps de concerts ponctuels organisés par Emilie Marvin). Ben en a organisé aussi sous cette étiquette lorsqu'il habitait à Paris.

Vos impressions sur la scène noise et rock en France, plus facile de tourner en France, de vendre de disques ces dernières années ?
Ben : On a vraiment commencé à tourner en 2005 avec les Marvinous. On n'avait aucun disque à vendre et on ne connaissait quasiment personne qui organisait des concerts en France. Et chaque date était pour nous l'occasion de véritables rencontres avec les organisateurs et les groupes avec lesquels on jouait. Du coup des liens se sont créés et c'est ce qui nous a permis, de fil en aiguille, de trouver d'autres plans sur les tournées suivantes… Presque 10 ans après, je ne sais pas si c'est plus facile de trouver des dates. Il faut que ça tombe bien pour l'asso qui organise. Si elle a déjà calé une date 3 jours avant, c'est plus compliqué. Après réflexion, je pense qu'il y a beaucoup plus de groupes qui tournent actuellement qu'il y a 10 ans. Mais y'a plus d'orgas aussi, donc… Quand aux ventes de disques, c'est cool, on s'en sort plutôt pas mal vu le peu de tournées que l'ont fait. On arrive à rentrer dans nos sous assez rapidement pour pouvoir enchaîner sur un autre album direct. Donc ça c'est génial.

SKX (04/06/2014)