<25|08|2008>
Eté pourri
Ne croyez pas qu'on soit devenu sympas après plus de deux ans sans actualisation de la rubrique Humeur Massacrante. Mais ça doit être l'odeur de la rentrée, la fin des vacances, le bordel qui recommence. Les Tibétains et les Géorgiens qui font rien qu'à foutre leur merde alors qu'on pourrait être si peinard (et je vous dis même pas des Palestiniens). Et parce que et parce que... certains tendent des perches pour être battus. Prenez l'exemple de Lack. Leur dernier album en date Saturate every atom sur Play/Rec records vient d'une brillante inspiration d'une lecture de Virginia Woolf (on peut être Danois, faire du rock et être cultivé) où la Dame disait un truc du genre à bas le gaspillage et les mauvaises odeurs, allons à l'essentiel, saturons chaque atome (je résume hein parce qu'elle le dit vachement mieux que ça). Et dans l'esprit de Lack, ça fait tilt comme un verre de vodka qu'on jette par dessus son épaule. Nous aussi, on va se débarrasser de tout le superflu, zut à la société de consommation, chaque idée sera réduit à sa plus simple expression, pas de compromis, pas de pitié, on sera nus comme des vers et ça sera vachement beau (vas-y, sers m'en un autre). Le seul problème est d'avoir les bonnes idées et là apparemment, c'était pas livré avec le livre de Woolf. Un disque qui fait rire, des morceaux tout gentils, tout niais derrière leur fausse virilité, limite putassiers et d'une pauvreté extrême (excepté le titre Watchmen) qui n'ont de tubuesques que pour ceux qui aiment les chewing-gum à la merde (genre déodorant pour chiotte). L'impression d'entendre un vulgaire groupe de power/pop/punk à la MTV. Lack est en train de se payer un destin à la JR Ewing. Parfois, on devrait interdire la lecture aux rockers. Deux années de silence d'humeur massacrante, ça se paye. Mais qu'est-ce qu'il se passe chez Get A Life records !!?? Après avoir pas trop mal débuter dans la vie avec Ventura, Zatokrev, Vancouver ou Disco Doom, le label suisse se prend un gros coup de mou dans la tronche avec Equus et The Evpatoria Report. Il va falloir ressortir le fusil à pompes et dégommer à nouveau ces hippies de l'an 2000. Je croyais naïvement que cette maudite race s'était définitivement éteinte, que plus jamais on ne revivrai ce début des années 70, période néfaste et terne pour la musique (en même temps, je l'ai pas vraiment vécu, je suis pas si vieux que ça hein) et voilà qu'ils nous reviennent. Déguisés certes mais ça commence sérieusement à se voir. Encore deux groupes instrumentaux avec des morceaux qui durent trois plombes, s'enfilant sans vaseline tous les clichés du genre. Au mieux, ça vous endort. Strictement rien ne se passe. Au pire, c'est l'horreur comme le solo de guitare sur Orrorin Tugenensis (oh putain le titre), 2ème titre de Equus, des nappes de synthés gerbantes, des violons prétentieux, des montées et des descentes complètement plates. On oublie le post-rock. On oublie le prog-rock. D'ailleurs utiliser le terme rock est une aberration. C'est juste le vide, le néant. Et emballer tout ça dans de jolis digipacks cartonnés ne sauvera pas l'affaire. Que ce soit l'album Eutheria pour Equus ou Maar pour The Evpatoria Report, cette musique est une insulte pour les ascenseurs. Dans le
même genre de concurrence déloyale pour les marchands de
somnifère, vous avez Jesu
de l'ex-Godflesh Justin Broadrick dont je ne suis définitivement
pas un apôtre. J'ai pourtant fait le chemin de croix d'écouter
Conqueror, son dernier album en date, Lifeline, un EP
à rallonge et cette fois-ci le split EP avec Envy. Ce courage
ne me vaudra sans doute pas l'absolution finale et de toute façon,
l'enfer sera moins une torture que de me taper ces disques. Ce qui me
fait marrer, c'est quand 20 ans plus tôt, tous ces metalleux et
hardcoreux pissaient sur ces shoegazers, ces tapettes à franges
qui se regardaient les pieds, cette noisy-pop gluante de mélodies
pop de rosbeefs anglais beaucoup trop tendres et que ces mêmes
personnes s'extasient désormais devant tous ces groupes qui s'en
inspirent, la beauté, la grandeur, la puissance d'évocation
le disputant au désenchantement hypnotique ou une connerie du
style. Vous allez me répondre que ya pas de mal à évoluer
et vous auriez raison. Godflesh est bien là où il est,
qu'il repose en paix. Mais si c'est pour faire un truc aussi fadasse,
mièvre et vide de toute substance, aussi sombre qu'une photo
glacée de luxe, des nappes de guitares et synthés cachant
des mélodies à deux balles et des tonnes d'effets pour
justifier un coûteux matériel, le tout saupoudrer d'une
voix qui ferait passer le chanteur de Slowdive pour un ténor,
autant indiquer au gars Broadrick des bonnes adresses de magasins de
cannes à pêche.
Passons au régime poids lourd avec les vieux de la vieille, les inénarrables Melvins. Un mythe, une référence et pour ma pomme, un groupe qui m'a toujours laissé relativement indifférent. Je dis pas qu'un bon vieux Bullhead ou Ozma, voir quelques secouées de Houdini ne font pas leur effet et qu'un souvenir d'un concert à l'Ubu à Rennes était à ranger dans la bonne catégorie. Pour le reste, même si je jette une oreille à chacune de leur sortie, ça ne défraye jamais ma chronique. Une aberration pour certains, comme si on me disait qu'on en avait rien à battre de Jesus Lizard, un groupe quelconque parmi tant d'autres (tu la veux ta torgnole ?). A l'écoute de ce 114ème disque des Melvins, le constat d'échec est toujours le même, me rappelant au passage pourquoi les Melvins me gave rapidement : j'aime pas la hard-rock. Il serait réducteur de tenir les Melvins à cette description minimale - ils sont bien trop malins pour se laissés attraper comme ça - mais les clins d'il insistants qui en font le fil rouge permanent exaspèrent ma fragilité sensorielle. Nude with boots (Ipecac records), un Melvins acceptable (malgré des plans exécrables), un bon groupe de rock pour quarantenaires n'effrayant plus grand monde, perdant beaucoup de son originalité et, surprise, bien moins lourd que d'habitude en dépit de la présence de deux batteries et deux basses (à moins que je devienne sourd). Des dinosaures, qui comme tous les vieux groupes sur le circuit, ont perdu la sève originel depuis longtemps (à part The Ex !), se contentant d'assurer le pain quotidien (parce que King Buzzo et Dale Crover à l'usine, ça ne le ferait pas) en s'amusant comme des gamins, c'est toujours ça de gagner pour eux. Pour Ultraphallus, on ne se demande pas ce que les Melvins représente. La référence absolue. Le saint Graal qu'ils n'atteindront jamais. Maintenant que l'hommage (appuyé) a été fait sur leur premier album Lungville, les Belges commencent à comprendre toute la différence entre copié et inspiré par. The Clever est hum comment dire, plus intelligent, plus pensé et varié, gardant toute la finesse des Melvins dans des charges en avant ruant dans les brancards et leur rajoutant de la perfidie (la voix) et du malsain (tout un tas de bêtes grouillantes gravitant dans le mix) les poussant dans les retranchements d'un Neurosis avec une brillante idée d'un saxophone sur la montée diabolique de Clever Worm. Quand le Belge commence à penser par lui-même, il n'en ait que meilleur. Dommage que tout l'album ne soit pas aussi inspiré et personnel que ce morceau. Mais Ultraphallus tient le bon bout. Ambiance moite vous coulant les deux pieds dans le béton au fin fond d'une rade abandonnée aux rats. Bonjour le romantisme. Cette chronique, je l'ai déjà écrite. Des dizaines de fois. Elle a pour nom Botch ou Converge. Et surtout, la meute sans peur et sans remord de tous leurs suiveurs. Il suffit de les relire, de reprendre les mêmes phrases, les mêmes descriptions à la con et vous aurez une idée de la lassitude qui guette. L'album The Vulture's riot (sur l'alliance Basement apes/Lacrymal/Krawa records) du groupe toulousain Plebeian Grandstand ne fait pas honte à la famille. C'est juste qu'il n'y a plus rien à dire. Faites en ce que vous voulez.
Dans les
mêmes limites du supportable, vous avez le quatrième album
de Frog
Eyes (Tears of valedictorian sur Ruminance
records en France et Absolutely
Kosher en général). Le genre d'album dont vous ne
savez pas trop quoi en faire. Aussi irritant que charmeur. Un disque
avec trop plein de choses dedans. Carey Mercer, la voix et le cerveau
du groupe, ça sent l'artiste par ici avec un grand A et mon coup
de pied au cul. Quelquechose de trop prétentieux et sophistiqué,
du James Stewart (Xiu Xiu) pénible mais à l'instrumentation
bien différente. Car Frog Eyes peut être aussi et souvent
organique, chaotique, fougueux avec un réel impact physique (merci
le batteur) pour peu que le chanteur laisse de la place à ses
musiciens. Ca brasse de tous les genres, de Roxy Music à Arcade
Fire, du folk pas catholique, du rock d'apparat faisant étalage
de ses richesses (trop plein de), j'y entends même du Dixies Midnight
Runners, c'est dire ! Je ne sais fichtre rien comment sonnaient leurs
trois précédents albums mais celui-ci mérite que
l'on s'y attarde. Restons
dans une certaine idée de l'Amérique et ses traditions
mais dans un coin où on ne s'y attendait pas. Poitiers n'est
pas réputée pour être la Mecque de la folk-music.
Mais Sam Balin, chanteur également de Epileptic, n'a peur de
rien. Il enfourche son acoustique, siffle dans l'harmonica et fait comme
si les marais poitevins ressemblaient à de grandes plaines desséchées.
Willie Guthrie, Neil Young, Dylan, Springsteen sont ses maîtres
et s'enregistre à la maison, les doigts de pieds en éventail.
Ca pourrait s'écouter tout aussi peinard, même si c'est
pas ma came mais il y a un gros bémol. L'accent anglais à
couper au couteau. Et c'est un connaisseur qui vous parle. Ca en devient
comique par moment et c'était sûrement pas l'effet escompté.
Sur ce genre de musique, ça ne pardonne pas. J'allais oublier
de mentionner que le projet se nomme My
Hand in your face (Théâtre
et Rejuvenation
records) et c'est vrai que ça me démange. On refranchit l'Atlantique. Cap au nord, le grand, dans l'est canadien où se situe le label, Reluctant recordings, capable du très bon (Totheteeth/Tothehilt, Fake Cops), du pas mal du tout (The WPP), des trucs bizarres (Matress, Secret Mommy) et des trucs emmerdants comme Run Chico Run. Des figures locales tournant autour d'un duo de base, Matt Skillings et Thomas Shields, cinq albums au compteur, DIY à en crever (mais ils le font pas exprès) et ce nouvel EP 6 titres, Rocket Surgery. Pop décalée, sixties dans le fond et flou dans les formes, subtilement psychédélique. Bien trop subtile pour moi, Xiu Xiu me suffit amplement. Avec The Doers, les choses s'améliorent. D'un cran. D'un petit cran. Gaiety, un deuxième album qui respire la gaieté plus qu'il ne l'inspire. Un duo qui met tout son entrain et sa conviction pour nous emballer dans 16 morceaux de folk-punk soutenus mais ce n'est pas franchement communicatif. On pense aux Violent Femmes, à Jonathan Richman (dont ils reprennent New kind of neighborhood). Mais penser n'est pas gagné. Malgré ces bons moments, The Doers, c'est encore léger. Surtout quand le vocodeur est de sortie ! Avec Varge, on passe à la vitesse supérieure. Un rock angulaire et nerveux de la part d'un trio francophone avec les frères Houle à la section rythmique et Antoine Tremblay Beaulieu à la guitare, les trois se partageant à tour de rôle le chant. La moitié des titres sont chantés en français et, tiens comme c'est bizarre, ce sont les compos les moins convaincantes. Le Français ne tient pas la corde, donnant une coloration rock alternatif pas très attirante. Surtout que leur français est étrange : enflure du bedon terrestre / la terreur s'absorbe au creux de mon bedon / la peur s'installe dans mes lobes frontales cérébrales / Terre est la plus grande et apaisante des figurants parentaux. On dirait du Higelin sous ecstasy. Du Higelin quoi. Heureusement et dans l'ensemble, ça latte beaucoup plus, pas très loin de certains groupes hardcore de chez Level Plane avec une petite touche jazzy et des moyens dérisoires dont souffre l'enregistrement. Cet album, Must Lunge, date déjà de 2006 mais on aurait tort de se priver. Et comme
vous n'êtes pas sursaturés d'informations dans notre beau
monde moderne interconnecté de partout, je me fais un plaisir
de rajouter un disque à cette longue litanie (ou agonie, c'est
au choix). Cela vous évitera ainsi de télécharger
ce disque inutilement sur soulseek ou d'aller cliquer sur leur lien
myspace qui suit puisque les webzines ne servent plus qu'à ça.
Faire le tri dans la masse galopante d'informations. Nous sommes soucieux
de votre précieux temps. Tête
de gondole (25/08/2008) |
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