<04|12|2014> Mouettes
rieuses
Il faut
en parcourir des étendues de vase avant d'arriver aux perles.
Et
encore, on ne fera que mentionner les anciens par un pur sens du respect
qui m'échappe en parlant très brièvement de Between
The Riots. Deux anciens Epileptic
(Sam Balin et Ghislain Paoletti), un groupe qu'on avait bien aimé
et qui ont fait l'effort d'envoyer leur beau vinyl et 1er album self-titled
(Raccoon et Théâtre records) mais c'est ce que j'appelle
une grave erreur d'aiguillage. Du genre à partir en courant dans
le sens opposé.
Idem pour les bretons de Cotton
Buds avec du vétéran dedans. A moins que vous aimiez
la flûte traversière, les gazouillis d'oiseaux, l'accent
anglais à couper au couteau et la pop désuète d'un
autre âge sur ce premier single (Mlle Juliette/Colours of Life).
J'avoue avoir un amour inconsidéré pour le label rennais
In My Bed
mais là, je passe mon tour et plutôt deux fois qu'une.
Reste une belle photo de Renan
Péron pour la pochette.
Dans la série on va pas non plus s'attarder
là-dessus, le label canadien Zaxxon
records a publié récemment deux singles, Sick Toughts
et Bearmace. Sick
Toughts, c'est Drew Owen, un gamin de Baltimore de dix-sept balais,
plus Jay Reatard que le fantôme de Reatard. Si vous aimez votre
rock bien garage, pourri des molaires, basiquement punk et en rébellion
contre tout et n'importe quoi, le single Hate
You So est pour vous. Depuis ce disque, le gamin a sorti une pelletée
de disques plus rapidement qu'il me faut pour taper ces lignes. Sale
mioche. Quant à Bearmace
et leur single Cold Ones, c'est du hardcore skate punk crusty
sur les bords. Hey, c'est pas marqué poubelle ici !
Le problème du single des espagnoles Balcanes
sur Discos
Humeantes, c'est que j'ai mis du temps à savoir s'il tournait
en 45 ou en 33 tours, avant d'opter pour la vitesse 45. Au moins, ça
passe plus vite. Pas que ça soit mauvais mais leur mélange
drone-doom-noise-psychédélique a un sérieux goût
d'inachevé et d'une bonne idée tournant en rond. La face
Plataforma rappelle le malsain d'un bruitiste Skullflower, le
nihilisme d'un Brainbombs sur un rythme vaguement entraînant,
du fuzz en pagaille et le bourdon énorme d'une basse. Quant à
Autopista, il se termine au moment où vous vous demandiez
quand est-ce qu'il allait enfin commencer. A surveiller quand même.
Le label australien Vacant
Valley avait offert du très bon avec le disque posthume de
Psy Ants
dans le domaine noise-rock décérébré. Avec
le single Asleep At The Wheel of Fortune de King
Tears Mortuary, c'est The Pastels, Beat Happening et TV Personnalities
dans une même brouette des Antipodes. Mais sans le meilleur de
tous ces groupes. Même pas un brin d'exotisme à se mettre
sous la dent. Je crois que j'ai passé l'âge de ses innocentes
conneries.
Ce
single n'est hélas pas venu tout seul. Bi-Hour
et le CDEP An Accident. Un duo taxé d'avant-pop, soit
un terme bien prétentieux pour parler d'une musique où
on se permet de faire n'importe quoi en se croyant original et en espérant
que quelqu'un accroche alors que c'est sommes toutes une pop légèrement
dissonante assez convenue et mal ficelée. Il existe des accidents
heureux mais pas celui-ci.
Roy
& The Devil's Motorcycle est un groupe existant depuis 1991.
Trois frangins et un batteur interchangeable. Il a fallu attendre ce
pauvre single, I'll Sing You a Song, pour les découvrir
et c'est apparemment pas le bon moment. La version détendue,
très détendue de leur habituel raffut rock'n'roll psychédélique.
Le titre principal pourrait faire penser à un lointain voisinage
avec le Velvet Underground et Roy & The Devil's Motorcycle aurait
pu en rester là, on se serait quitter bons copains. Sauf que
la face B est un ignoble titre qui n'est que du reggae déguisé.
Et ça, déontologiquement parlant, le reggae, ici, c'est
interdit. Le label suisse A
Tree in a Field aurait dû le savoir.
Mais le pire est à venir avec Dimensione
et le single Toupet (toujours sur A Tree in a Field) et c'est
vrai que Dimensione n'en manque pas (de toupet, pas de dimension). Tu
grattouilles une guitare, tu appuies au hasard sur les touches d'un
synthé, tu tapes mollement sur un carton, tu n'essayes surtout
pas de dépasser le deux de tension et en croisant les doigts,
tu essayes de faire passer ça pour du lo-fi de génie.
En plus, c'est un double single pour deux fois plus de malheur. La seule
et unique bonne chose de cette sortie, c'est la photo de Derrick sur
un des ronds centraux.
S'il y a bien un truc dont on ne peut pas taxer Romain
Baudoin, c'est d'être un mouton de Panurge. C'est pas tous les
jours qu'on rencontre une vielle à roue croisée avec une
guitare électrique. D'ailleurs, au lieu d'essayer d'expliquer
l'inexplicable, rien de mieux qu'une vidéo.
1 Primate
est le nom de son projet solo (sur Pagans
et Hart Brut records)
et faut être de sacrée bonne humeur ou n'avoir rien à
perdre pour se taper ce disque. Mais malgré toute ma mauvaise
volonté dont je peux faire preuve, je n'arrive pas à trouver
ce disque mortellement barbant. De ce drone atypique 100% naturel doù
se dégage des mélodies de guitare garanties sans overdub
et sans looper (sauf une fois !) avec parfois un rythme de grosse caisse,
une certaine hypnose peut vous assaillir. Comme un blues hanté,
une légende ténébreuse et mystérieuse revenant
le soir vous souffler sur la nuque pour vous rappeler que le mauvais
il n'est jamais très loin. Et des passages prenants, voir
carrément un morceau entier (Pastors, celui avec des chants)
ou Sérendipité tiennent en haleine. Mais cinquante
minutes de ce tarif là, c'est trop cher pour mes aptitudes que
j'ai faible et la magie est loin de toujours opérer. Mais franchement,
ayez la curiosité de jeter une oreille sur ce disque atypique,
des révélations pourraient voir le jour, je sais que ya
du tordu qui traîne par ici. Et la pochette/emballage est superbe.
Parfois,
je reçois des disques et je ne sais pas comment je vais m'en
sortir. Et d'ailleurs, je ne m'en sors pas. Alors je joue la montre,
je feinte, j'exècre le dieu de la musique, je me sers un verre
et je vais chercher de l'aide chez les copains. Vous allez donc pouvoir
(ou pas) aller lire
une chronique du précédent album, For All The Bruises
Black Eyes And Peas, que je n'ai jamais écouté mais
je suis sûr qu'elle sied à merveille au nouveau disque
Le Lit (We Are
Unique ! Et Specific
records) de Raymonde
Howard (Laetitia Fournier dans la vraie vie) qui sert aussi de bande-son
pour le court métrage du même nom. Et si ça n'a
rien à voir, hé bien... je crois que je m'en tape.
Par contre, pour Vialka,
je ne vais pas pouvoir compter sur un bon samaritain. Seul comme un
chien en face de ce qui est présenté comme un opéra
de poche, un opéra minimaliste et bilingue, pour duel, en un
acte de douze scènes (heureusement, la bio est là) qui
s'appelle A l'Abri des regards indiscrets, la bande-son d'une
(vraie) pièce de théâtre que je n'irais jamais voir.
Mais pourquoi je reçois ça moi ??!! La seule chose à
laquelle ça pourrait faire penser, c'est le Vier
Voor Vier de De Kift mais avec la nette sensation qu'il manque
définitivement les images dans ce bordel. Et de plein plein d'autres
trucs. Reste un très bel objet. Génial.
Je ne suis pas en avance sur ce coup là
comme d'habitude certes mai c'est encore pire là - puisque le
disque de The
Enterprise est sorti à l'été 2013. Un 5 Titres
du nom de Nebula Maximus (sur Bad
Mood Asso, un nom qui me plaît) après un 1er album
sorti en 2011 et jamais entendu, enregistré par un mec de Monarch,
mixé par Stephen Krieger d'Amanita et feu Voodoo Muzak pour un
groupe originaire de Bayonne. C'est ce que j'appelle un groupe qui a
tout pour plaire. Et le rock'n'roll-noise lourd, énervé
et crasseux de The Enterprise façon Akimbo n'est effectivement
pas mauvais du tout mais ne possède pas non plus le petit plus
qui fait la différence et le sort de la masse. On peut mettre
des identités marquantes derrière son disque mais en manquer
cruellement.
C'est
un peu, beaucoup le même constat pour Town
In A Mess. Un disque sorti aussi en 2013. Donc une chronique toujours
à la bourre. Un format court (4 titres) qui a le statut de Demo
et un CV conséquent où les noms de ex-Spinning Heads apparaissent
et c'est Head
records, fameux label de Villeveyrac, qui sort le Cdr de ce groupe
originaire du même bled. Un hardcore-noise viril et gueulard avec
son quota de cassures de rythmes et mornifles névrotiques. Ça
cite volontiers Craw et Keelhaul mais ya encore du boulot pour atteindre
leur niveau et encore plus pour se démarquer du troupeau. Par
contre, ils ont déjà la science du titre avec Une Main
Dans La Gueule et Mon Pied Au Cul. Le ton est donné.
Affaire à suivre.
Maxime
Petit, bassiste de Louis Minus XVI dont le dernier album avait été
très apprécié, n'a pas choisi le chemin de la facilité
pour cet effort en solitaire. Un disque de solo de basse. Aussi glamour
qu'un escargot mort. Maxime Petit développe pourtant trois titres
mélancoliques, relativement mélodiques, spectraux et pas
aussi effrayants que cela en avait l'air sur le papier, avec une belle
montée en arc douloureux sur Fira Palace dont on ne retrouve
pas le souffle sur les deux autres compositions plus aride et dépouillé
mais... merde, je crois que je l'apprécie ce bout de disque,
je dois couver une déprime. How Many Miles To Babylon ?
est le titre de ce bel objet sérigraphié et à vue
de nez, la route ne va être aussi pénible que prévue.
Howling
Fever, ce sont deux mecs installés à Paris qui, comme
tous les parigots, n'y sont pas nés et leur premier album me
fait tourner chèvre comme le noble animal ornant la pochette.
Récemment, le duo a fait passer un annonce pour le recrutement
d'un bassiste et les influences citées étaient les suivantes
: Fugazi, Melvins, Swans, 16 Horsepower et Drive Like Jehu. J'avoue
que je n'y aurais pas penser tout seul. A aucunes de ces références
d'ailleurs. Tout en étant bien incapable d'en citer une en particulier.
Howling Fever fait penser à plein de trucs mais à rien
de spécial, tout comme l'album est très plaisant mais
ne laisse aucun souvenir, compte de bonnes compos comme d'autres plus
pénibles. Chèvre je vous dis. Dans leur bio, ils citent
également Mc Lusky et à la rigueur, c'est ce qui se rapprocherait
le plus Howling Fever de ces onze titres. Mais on est encore loin du
compte. On va donc laisser ce disque tranquillement de coté puisqu'il
est sorti depuis longtemps (printemps 2013), que le groupe a sûrement
évolué, on va reprendre le train en marche et en plus,
ils annoncent un nouvel EP imminent qui serait en fait un double album
! Non, franchement, complètement chèvre.
L'Autriche,
cet autre pays de la bouillabaisse, présente un beau mélange
de tendances musicale diverses sous le nom de Hella
Comet avec leur second album Wild Honey paru sur Noise
Appeal en 2013. Hella Comet m'a instinctivement fait penser à
l'énergie de Peter Kernel mais dans une version où le
coté pop est plus accentué. Trop accentué. Beaucoup
trop. Il est indéniable que Hella Comet possède de solides
talents de songwriting, une chanteuse avec un beau brin de voix, l'art
daccommoder les plats pop avec les dissonances, le post-punk et
le post-rock mais c'est définitivement trop vert et chatoyant
pour mes oreilles d'homme des cavernes.
Les
parisiens de Colossus
Of Destiny et l'album In Lesser Brightness (Hellbound
records 2013) ou l'ode au metal/post-hardcore propre sur lui, où
rien ne dépasse, exécuté cliniquement (mort), où
tout est là où on attendait qu'il soit, même hélas
le solo pénible, pas un brin d'émotions, d'erreurs, de
grésillements, d'imperfections, somme parfaite d'influences tellement
évidentes, si impersonnelles qu'un robot serait derrière
tout ça que ça ne m'étonnerait même pas.
J'adore
quand je reçois un CD accompagné d'une bafouille où
il est dit la musique correspond à votre ligne éditoriale
et à l'esprit de vos chroniques musicales. C'est limite insultant
parce que si c'était vraiment le cas, s'ils avaient vraiment
pris la peine de parcourir ce zine, s'ils avaient vraiment lu la chronique
de leur précédent disque et senti bien profondément
l'esprit musical qui s'en dégageait, jamais ce CD n'aurait été
envoyé ici. Le post-rock instrumental, même un brin énervé
et plus bruyant que la moyenne comme celui de Climat,
j'en veux pas. Leurs belles montées gentillettes et colorées,
le coulis exotique, le sucrage tropical, ces beaux arpèges avec
les gazouillis derrière me donnent envie d'acheter un lance-flamme.
Leur album Iccopoc Papillon a dix ans dans les dents. Et en plus,
la bafouille
se termine par la formule de politesse Musicalement. Ça
doit être un fake.
Zapruder,
Poitiers, hardcore. Fall in Line, premier album sur Hipsterminator
et Apathia
records. Mais la vie n'est pas aussi simple et carré que ça.
Le hardcore de Zapruder est complexe. Tu veux du metalcore sauvage,
tu en as. Tu veux de lambiant lourd et plombé des molaires,
tu en as aussi. Tu veux des changements de rythmes toutes les dix secondes,
c'est pas ce qui manque. Tu veux du post-rock metal à la Cult
of Luna, impossible de l'éviter. Tu veux du chant growlé,
tu en as hélas. Tu veux un passage funky sur Modern Idiot,
oh putain, tu en as aussi ! Tu veux ton morceau tout mignon avec juste
une guitare acoustique et un chant éthéré, tu en
as avec Loquèle sur la fin de l'album si t'as pas démissionné
avant. Tu veux de la clarinette et du saxophone, tu en as sur l'atypique
Delusion Junction et bizarrement, c'est très bien. Tu veux
du titre ridicule, t'en as un splendide avec Je ferais de ma peau
une terre où creuser. Tu veux du cliché au kilomètre,
tu n'as qu'à te servir sur un disque qui se voudrait original
mais se plante trop souvent. L'ensemble n'est pourtant pas vilain et
comporte quelques salutaires passages mais ça me demande beaucoup
trop d'efforts.
Appelle
moi Robert. Quand Openightmare
appelle son album Robert (Vegas
records), je pense qu'il y a franchement moyen de rigoler. Hélas,
l'album de ce groupe de Toulouse est loin, très très loin
d'être une bombe. En plus, c'est le cinquième. Heureux
de jamais avoir entendu les quatre précédents. Punk-rock
mélodique vieille école avec des tendances stoner. Tout
est dit. A lire leur bio, ils sont leurs premiers détracteurs
et n'ont pas l'air de se prendre au sérieux (voir également
à ce sujet la photo à l'intérieur du digipack avec
le masque à gaz très tendance). Ils ont au moins la lucidité
pour eux.
Quand
tu vois la puissance de la métaphore de la pochette, que tu lis
la pertinence du nom du groupe et que tu prends connaissance de l'originalité
du titre de l'album, c'est comme si l'alignement des planètes
était enfin parfait, que les lignes de ton destin allait enfin
croiser les chemins de la réussite et que ton karma allait connaître
une flamboyante et inespérée apogée. One
More Solo vient de Lyon (désolé pour les Lyonnais
qui liraient ces pages) et Tonight Only est un premier album
(auto-produit) de classic rock tellement ringard et insipide que ça
donne envie de se mettre au reggae. C'est dire le malaise.
Un
petit mot accompagnait l'envoi de Jack
And The Beared Fishermen et leur 3ème album Minor Noise
(Vouhvoue records 2014) : on aura peut être plus de chance
avec celui-là... Ils vont croire que je m'acharne mais le
résultat me laisse toujours aussi froid que le précédent
album.
Ce groupe de Besançon a pourtant tout pour me plaire. Trois guitares,
deux bonnes épaisseurs de bruits, de l'émotion en sous-couches
dans leur post-hardcore, une tectonique dynamique des plaques mouvantes
de structures tour à tout imposantes et fines, les services de
Andrew Schneider (Pigs et ex-Slughog ou Barbaro) au mixage après
avoir eu ceux de Morattel sur l'album précédent et un
air de Ventura qui ne m'avait pas sauté aux oreilles auparavant
mais rien n'y fait. Manque peut-être des compositions avec beaucoup
plus de personnalité, comme Ventura justement, des titres qui
vous explosent à la tronche. Comme si le cahier des charges était
trop bien rempli et que tout ça ne décollait jamais vraiment,
manque de folie, besoin de lâcher les amarres. Ou alors le chant,
trop aérien, mélodique et toujours sur le même mode
avec ce coté traînant qui fini par sévèrement
lasser. Bref, c'est pas manque de l'avoir écouter ce disque parce
que j'ai lu plein de chroniques élogieuses, j'aimerais être
amis avec tous ces gens mais non, toujours pas de chance...
Pas
de chance non plus avec les canadiens de Slates
et leur deuxième album Taïga (New
Damage, 2014). Ce disque a tout pour plaire. Punk-rock avec les
tripes et le cur, enregistrement Steve Albini pour lui conférer
une dureté et des angles que ce genre musical n'a pas trop l'habitude
d'entendre. Un peu comme si on écoutait nos poitevins de feu
Epileptic en mode plus rugueux et abrasif ou un vieux truc de rock australien
avec une touche moderne. Mais rien, quedal, une indifférence
polie d'un album globalement agréable mais que le sens et la
qualité de l'écriture n'aident pas à amener vers
des hauteurs qui donnent le vertige. Certains morceaux plus mielleux
creusent même leur tombe. La vie est une chienne.
Rock
Lancinant Blues Incantatoire. Ainsi s'auto-décrit les Amiénois
Sleeping
Village Orchestra pour leur album The Last Meal on Earth.
Du rock qui n'effraierait même pas les bonnes surs, je n'appelle
pas ça du rock. Du blues, dans le sens qui te donne envie de
prendre une tisane et d'aller au lit, ils sont dans le vrai. Incantatoire,
alors uniquement comme quand tu as rêvé que tu te retrouvais
coincé dans un meeting socialiste et que tu appelais ta mère.
Le seul terme approchant de la réalité, c'est lancinant.
Qui rime avec lent. Qui rime avec chiant. J'espère bien que pour
mon dernier repas sur cette putain de terre, la dernière chose
que j'écouterais ne sera pas ce putain de disque.
Hey, on leur a dit qu'on était en 2014 à
Night Beats
ou existe-t-il une faille spatio-temporelle du coté de Seattle
? Bon, je me doute bien que ce trio, potes avec les Black Lips, n'est
pas dupe, la tête pas complètement sevrée de substances
hallucinogènes et qu'ils assument totalement ce revival Seeds/13th
Floor Elevator avec leur second album Sonic Bloom (The
Reverberation Appreciation Society). Comme si rien n'avait bougé
depuis les sweet 60's. J'assumerais donc aussi de trouver ça
profondément pénible et vain. Un album qui ne plaira qu'à
Gonzaï
qui sait reconnaître un bon album de rock quand (il) en entend
un. Oui certes, mais t'as juste cinquante ans de retard.
Secret
Colours n'ont pas la gueule de précurseurs non plus. Coincé
entre la pop sixties psychédélique et la britpop, le groupe
de Chicago a sorti l'album Peach en 2013 et vient d'en sortir
un nouveau, Positive Distractions. Au moins ce coup-ci, ils ont
eu la bonne idée de ne pas me l'envoyer.
Un conseil. Si vous faites du rock stoner aux influences
hard rock seventies, rayer l'adresse de ce site de votre carnet, supprimez
là à tout jamais. Parce qu'à part au bout d'un
pic, je ne vois pas où mettre l'album Raise The Evil (Great
Dane records) de Zoe.
Idem
si vous êtes dans la branche electro comme les deux napolitains
de Sixth Minor.
L'album s'appelle Wireframe (Megaphone
records), rappelle les pires heures de leur compatriotes d'Aucan version
2.0 quand ils avaient décidé d'être follement originaux
en triturant des boutons et que le rock était franchement devenu
ringard. Tu rajoutes un peu de dub-step, du dark-electro minimaliste,
un soupçon de paillettes, de la grosse artillerie pour faire
bouger les foules lobotomisées, une capuche et les chemins de
la gloire et de l'opportunisme sont ouverts camarade. Ah merde c'est
vrai, c'était pas une chronique d'Aucan.
Quadrupède
est un animal à quatre bras et autant de jambes venant de la
jungle nommée Le Mans. Togoban est leur premier album
(Black Basset
records) et glisse sur la vague Electric Electric, c'est à dire
Battles, c'est à dire qu'on est très mal barré.
Mariage pour le meilleur et surtout pour le pire d'une tentative de
math-rock et d'electro(nica). Ça, c'est pour la version officielle
car en vrai, c'est le synthétique dégoulinant des années
80 sur des rythmes tropicaux, la rencontre entre Jean-Michel Jarre et
Marvin, la négation du rock et l'avènement de Mario Bros
comme étant le dernier punk. C'est la grosse misère.
Quand
tu as un Poil
sous la main, mieux vaut s'attendre à être copieusement
décoiffé. Et il faut pourtant se lever tôt pour
me défriser. L'album Brossaklitt (sur Dur
et Doux records) ne brosse pas mais alors pas du tout dans le sens
du poil et ferait passer les primates de Le Singe Blanc pour des culs
de babouins. Là où Poil passe, l'herbe trépasse.
Langage kobaïen, prog-rock zappaien, free-rock tellement libre
et décomplexé que ça en devient souvent un grand
n'importe quoi, le Poil lyonnais ne se donne aucune limite et ne doute
de rien. Grosse partouze de sons, de samples, d'accélérateurs
de particules, de rythmes, de cavalcades de claviers, de chants débiles,
de huitième degré, Poil en fout partout. Compositions
labyrinthiques de 12 kilomètres de long comportant quelques passages
de bravoure assez sidérants mais dans l'ensemble et quel
ensemble - trop de délires tuent le délire et j'en peux
plus, poil au cul.
BeCoq
est un label français se dressant fièrement sur ses ergots
avec un catalogue s'enrichissant de musique pas banale. On a eu l'occasion
d'en parler très récemment avec les publications de Louis
Minus XVI et Hippie
Diktat. Pour la présente, c'est un coup de trois qui est
soumis à votre sagacité et votre largesse d'esprit.
On commence avec Durio
Zibethinus composé de Quentin Biardeau et Valentin Ceccaldi.
Je vous épargne le nom des instruments et ustensiles dont ils
jouent, on dirait un vrai catalogue de chez Leroy-Merlin. En gros, yen
a un qui est plus cuivres et l'autre plus cordes. Je n'ai rien contre
l'impro-freeture-jazz et autres musiques de l'impossible mais le Poissons
Frais de Durio Zibethinus ne me procure aucun frisson sur l'arête
dorsale. Trop de moulinages dans le vide. Trop de sonorités tombant
à l'eau. Certains passages frétillent de la queue, font
croire à un début d'amorce mais la poésie du duo
est incertaine et trop abstraite pour mes modestes talents de pêcheur
punk.
C'est
un peu, beaucoup le même constat avec Eliogabale
et l'album Matière Foetale. Au passage, j'ai longtemps
cru que le groupe s'appelait Matière Foetale puisque qu'à
aucun moment, même en tout petit sur la tranche, le nom de Eliogabale
apparaît sur le digipack. Bref, le constat est identique. Absence
de frissons, de musique qui vous cogne dans le cur ou les tripes
même si le style de Eliogabale est plus beaucoup classique, si
jamais on peut appeler classique le fait de faire du free moitié
jazz moitié rock (mais surtout jazz). Mais il est bien trop sage
et cérébral pour moi. Depuis, Eliogabale a publié
un nouvel enregistrement, Mo, qui semble plus électrique
et rugueux. Affaire à suivre. Ou pas.
Toys'R'Noise.
Leur traduction du Rock'N'Roll, version jouets et bruit. Des jouets
pour grands quand même. Palanquée de synthés reliés
à des machines bourrées d'électroniques, des fils
dans tous les sens, des objets du quotidien détournés
de leur principal but, des micros qui captent des vibrations, des transformateurs
d'électricité qui ne font pas toujours des étincelles,
une installation improbable. Toys'R'Noise, ce sont les Geo Trouvetou
de la noise, la vrai, celle qui joue du bruit, qui sculpte des nappes
sonores, triture les ondes et frise les tympans, fomente des drones
et des coups déviants. Musique industrielle et électronique,
littéralement, pour ce groupe du nord de la France. L'angoisse
est donc grande et vous avez raison. Mais dans tout ce bordel, Toys'R'Noise
arrive parfois à créer une atmosphère prenante,
comportant sa part de poésie, de rythmes et de voix auxquels
se raccrocher, loin de l'agression sonore à laquelle on pouvait
s'attendre, préférant dessiner les contours de compositions
essayant tant bien que mal de vous amener à la transe à
travers les affres d'un bruit apprivoisé. Voir jusqu'à
vous faire croire à un très lent décollement d'Airbus
sur le dernier des six titres. Libre à vous maintenant d'embarquer
ou non avec Toys'R'Noise.
The
Wøøøh, c'est un quartet de jazz mais c'est
aussi un quartet de rock, dixit la bio de ce groupe aux trois-quart
danois et un quart de français qui est aussi le compositeur en
chef. Trop fort la France. Comme la logique est à la musique
ce que les grosses subventions sont au festival des Transmusicales,
j'en conclue que The Wøøøh est donc un groupe de
jazz-rock. Leur premier album Souvenirs, Souvenirs (Ormo
Music) est dans l'ensemble agréable à écouter
mais c'est aussi son plus gros défaut. Pas assez agressif et
fou quand ils partent sur des sentiers dangereux. Pas assez mélodique
et beau quand ils laissent couler le sang bleu d'une musique plus lancinante.
L'énergie est là mais pas trop, ça couine, c'est
free mais rien d'une frénésie qui vous fait partir en
transe et en sueur. The Wøøøh navigue entre deux
eaux et elles sont tièdes. On note tout de même les trois
O barrés The Wøøøh sur les tablettes.
Hyaena
Reading. Les Hyènes qui lisent ? Ça serait plutôt
le synonyme de bâtard. Avec leur album Europa, ce groupe
italien (avec une touche féminine française) tape dans
un electro-rock/post-rock morne et sans âme malgré des
paroles qui voudraient te faire croire le contraire et pète bien
plus haut que leur impact. Les guitares ont des sons de synthés,
synthés/korg/machines qu'on retrouve en nombre, jusqu'à
une boite à rythme qui peine à se faire entendre. Si Hyaena
Reading voulait parler, je cite, d'une Europe qui n'est plus,
enfants sans mère, chronique des derniers instants de vie, avant
l'implosion préméditée, c'est une totale réussite
tant cette musique semble complètement déshumanisée
et morte. Et d'un intérêt proche du zéro.
Le
label anglais Lava
Thief nous a donné les magnifiques Repo
Man. Avec The Cessation Elegy, la chanson est très
différente. Duo avec l'américain Bill Horist et le danois
Jakob Riis, soit des CV à faire rougir de jalousie tous ceux
qui ont fait de la collaboration musicale un art de vivre. Ce travail
longue distance entre océan interposé met en relation
la guitare de Horist et le laptop de Riis. Soit la contemplation d'une
guitare principalement acoustique mais pas dénuée d'électricité
soumise aux triturations sonores d'un Danois sans foi ni loi qui n'hésite
pas à tout saloper. Pour un résultat qui endort tout le
monde en deux actes masturbatoires pour étudiants en beaux-arts.
Heureusement, ce digipack, très beau au demeurant, est limité
à 100 exemplaires.
Le
label italien Aagoo est
capable de sortir de bons disques. Des disques bizarres aussi, aventureux,
obscurs. Et des disques au-delà de toutes ces basses considérations,
des disques qui volent tellement haut qu'ils vous passent largement
au-dessus. Avec un nom pareil, Inutili
tend des perches pour se faire battre mais pourquoi pas un groupe comme
ça dans nos contrées. Surtout que 2014 est une année
faste pour ce groupe italien. Deux enregistrements au compteur. Un EP
au début de l'année, Music to Watch the Clouds on a
Sunny Day où tout est dit dans le titre. Deux très
longues compositions en quarante minutes d'un psychédélisme
aussi ensoleillé qu'enfumé, voir fumeux, saupoudré
d'une bonne dose de saturations et grésillements dégueulasses.
Inutili fada.
Le
dernier né, Unforgettable, Lost and Unreleased, est en
fait un album regroupant des enregistrements datant de 2012 et 2013
pour rendre hommage au bassiste qui vient de se faire la malle, voir
ailleurs si l'herbe était meilleur. A son époque, elle
était déjà pas mal. 76 minutes d'un truc toujours
aussi psyché/transe/noise/barré/à rallonge, à
provoquer un sérieux bad trip sans substance chimique à
n'importe quel hippie. Mais faudrait quand même songer à
réduire draconiquement la dose.
Le FRAC, Fonds Régional d'Art Contemporain
d'Auvergne, présente Kafka
et leur projet L'Architecte. Ce groupe de Clermont-Ferrand persiste
et signe après un premier projet
où il s'était lancé dans l'adaptation musicale
de La Petite marchande d'allumettes de Jean Renoir. Cette fois-ci, c'est
la bande-son du film L'Architecte de Marc Bauer. Même cause,
même effet. Le post-rock instrumental à prétention
cinématographique sans les images (mais avec c'est pareil), c'est
comme le stoner aux influences hard rock seventies, c'est interdit de
séjour, chiant comme la mort. Et encore une subvention, une.
Mais
si le post-rock instrumental est votre came, alors vous allez prendre
un pied intégral à l'écoute de The Fall,
non pas les Mancuniens, mais le nom de l'album du trio grenoblois Collpase.
Aaaargh, on ne dira jamais assez le mal que Mogwaï a fait sur les
jeunesse soniques. Qui n'ont d'ailleurs plus rien de sonique. C'est
le syndrome opéra rock version XXIème siècle, le
rock progressif qui essaye de se donner un coup de jeune mais avec toujours
cette même odeur de vieux à l'intérieur. Alors respirez
bien, vous en avez pour plus de cinquante minutes d'envolées
grandioses, de platitudes futuresques et de musique dégageant
autant d'émotions que cette pochette glacée qui n'aurait
jamais dû exister.
Et
ce qui est bien avec ce genre d'opéra rock d'un nouveau genre,
c'est que ça n'a pas de pays, n'a pas besoin de beaucoup de bras
et n'a pas de sexe. Lili
Refrain est italienne et son projet solo dégage autant de
beauté qu'une toile cirée. Attention, il existe de très
belles toiles cirées. Kawax est son troisième album
(sur Subsound
et Sangue Dischi),
possède en plus une petite touche de sacré, comme si Dead
Can Dance se mettait à faire des pubs pour des bagnoles. Ou des
pelles à tarte. C'est beau aussi, les pelles à tarte.
En
plus, ce qui est bien avec ce genre de groupes, c'est qu'ils s'attachent
vite à vous. Vous avez beau leur dire que vous n'en voulez pas,
ils insistent quand même. Une propension au masochisme assez sidérante.
Les Suisses de When
Icarus Falls sont de cette trempe rare. Leur nouvel opus (oui, chez
ces gens là, on dit opus) se nomme Circles et il est vrai
que pour tourner en rond, ils tournent en rond, on ne peut au moins
pas leur enlever un petit brin de lucidité. Mention spéciale
au chant déchirant du fin fond de la nuit parce que c'est sûr,
pour faire ce genre de post-rock-metal grandiloquent, il faut avoir
beaucoup souffert. Dommage que When Icarus Falls ne savent pas que les
plus grandes douleurs sont muettes.
D'ailleurs, on va s'arrêter là car on touche le fond et
comme disent les marins ici en Bretagne, quand les mouettes ont pied,
il est temps de virer.
Tête de Gondole (04/12/2014)