<08|07|2013> Au charbon

It Takes A Million Years To Become Diamonds So Let's Just Burn Like Coal Until The Sky's Black. Un titre à rallonge des pitres de chez Storm and Stress sert d'introduction. Titre qu'on pourrait traduire en gros par : te casses pas les couilles à essayer de passer pour un diamant, t'es qu'un gros tas de charbon alors va brûler en enfer.

Nos charbonneux du jour me donnent pourtant des scrupules. Recevoir un robuste vinyle de 180 grammes mérite un minimum de respect et cause un maximum d'embarras. Je le rappelle, les services Déontologie & Flagornerie de Perte & Fracas ne disent jamais de mal de généreux donateurs. Surtout dans ce format roi faisant regretter à tous les moutons d'avoir vendu leur collection au siècle dernier pour du CD. Mais nous avons aussi un minimum d'orgueil et un maximum de respectabilité dans les salons mondains et le label Gnougn records a dépassé les limites du tolérable. C'était déjà borderline avec leur précédent EP Epuz. Là, c'est un pas allégrement franchi dans le ravin de l'abomination avec Epuzz, le nouveau 5 titres de Ultra Zook. Quand le seul truc auquel vous arrivez à penser en écoutant ce disque est Richard Gotainer, moi j'vous dis, c'est pas bon signe. Ou alors n'est pas Le Singe Blanc qui veut. Les chants débiles, la bienheureuse folie douce, les myriades de synthés sonnant comme une course poursuite de pac-man, c'est consternant. Le saxo invité sur Pisote ! et surtout Aluminium C4, seul morceau à relever le niveau (en même temps, c'était pas dur) ne suffit pas. En plus, ce vinyle à l'énorme défaut de n'être gravé que d'un seul coté et je ne supporte pas le gâchis. En plus de l'humour et de la bonne humeur forcée.

Pour rentabiliser son envoi, Gnougn records a cru bon devoir glisser un second vinyle toujours aussi lourd dans le paquet. Kafka (c'est le nom du groupe) se lance dans l'adaptation musicale - oui là, ça devient autrement plus sérieux - de La Petite marchande d'allumettes de Jean Renoir, avec le soutien de la ville de Clermont-Ferrand. Autant dire que là, ça ne rigole vraiment plus du tout. Un ciné-concert qui me rend tout mou comme la musique de Microfilm. Sauf que c'est un vrai film derrière. C'est certainement très beau, le xylophone sonne d'enfer, une création musicale de premier ordre mais ça ne m'en touche pas une. En plus de ne pas avoir d'humour ou de ne rire qu'à mes propres blagues, l'Art me file de l'urticaire. Et une subvention, une !

Autre réception d'un beau vinyle causant un maximum d'embarras, la nouvelle sortie de Solar Flare records. Une maison clermontoise connue pour la qualité et le sérieux de ses sorties râpeuses (Membrane, Sofy Major, Pigs, American Heritage) et dont la dernière recrue se nomme Watertank avec l'album Sleepwalk. Et là effectivement, on croit dormir debout. Les nébuleuses forces de Quicksand et Helmet sont convoquées sur l'autel de la suavité et de l'ultra (g)lisse. Chants mélodiques à foison, riffs transparents, rythmes qui se voudraient lourds, Watertank a inventé le stoner aérien. Pire qu'un album d'Isis. Un groupe nantais existant depuis 10 ans mais ne sortant son premier album que maintenant et une signature difficilement compréhensible pour le label de Sofy Major, quoiqu'à l'écoute de certaines options de Idolize, la surprise est moins grande.

Autre source d'embarras mais pas pour de basses considérations matérialistes, l'album de MIM (As Far As I Compute sur le label L'Amour aux 1000 Parfums). Les raisons sont uniquement d'ordre esthétique. Ce disque, il me plait autant qu'il m'emmerde. Projet d'un seul homme, un Belge (aucun lien avec les raisons esthétiques évoquées) se faisant accompagner en concert par les vosgiens (même remarque que précédemment) de La Pince et heurtant les contrées electro/indus d'un genre très personnel. Quand le Belge attaque par la face rock, qu'un batteur de chair, d'os et de sueur apporte sa présence physique à une musique de machines, l'homme l'emporte et moi être content. Une texture sonore sombre, grouillante, des paroles en français qui tiennent la route (mais en anglais aussi parfois), du tribalisme, le cliché de la musique urbaine bien pratique pour parler de titres froids et inquiétants comme une ruelle humide à New-York. Mention spéciale donc à Intriqués, AFAIK, Heads Full of Shit qui interpellent. Mais As Far As I Compute, ce sont aussi des morceaux synthétiques, vides d'émotions, ennuyeux, trip-hop de papier glacé, la machine domine et moi je rumine. L'ambiance générale est au polaire et à un futur incertain. Pas franchement envie d'entrer dans ce monde mais surveillé, il sera.

Hommes/machines encore. Ov, le premier disque totalement auto-produit en 2012 de Chaos E.T. Sexual. Ca sonne comme une sale blague cyborg, une rencontre entre un Terminator rouillé et une Clara Morgane en skaï en représentation à la salle des fêtes de Bourg-en-Bresse un lundi soir. Mais c'est un trio parisien. Deux guitaristes dont un à la guitare baryton, un autre à la programmation des rythmes derrière son ordi + bruits, nappes, brouillages sonores. J'aurais aimé vous dire que tout ça sentait bon Godflesh, Scorn et autres turpitudes indus-noise scélérates. Je n'arrive qu'à renifler le produit de synthèse, le chimique, l'embrouille, cargo de nuit, le groove vu et revu. La machine a gagné, même les guitares ne tirent qu'un voile glacé d'ennui. Six titres totalement dénués d'émotions laissant ma libido à zéro. Avec un goût de vieux dans la bouche.

Je préfère me rabattre sur l'Ego Vieux de Gabriel Hibert. Ce disque n'a pas le statut d'album officiel mais de démo. Il pourrait pourtant le sortir tel quel, ce disque sonne largement mieux que la majorité des groupes de cette foutue rubrique. Travail de pro, travail solo. Un one-man-band, on a de la peine à le croire. Voix, guitare, basse, batterie, claviers, enregistrement, mixage, pochette (bon là ok, il aurait pu déléguer), ce toulousain est en pleine forme. C'est loin d'être parfait mais c'est ça qui est bon, c'est vivant, chaleureux, un noise-rock tordu porté par la fougue et l'ivresse. Gabriel Hibert ne calcule pas, il jongle entre tous les instruments, il envoie valdinguer les rythmes, chauffe les cordes, ajoute des synthés inutiles, ne se prend pas au sérieux, déclame des débilités en français noyées dans le texte sur un chant bancal et communique son envie. Il serait temps de former un vrai groupe, enquiller les kilomètres, les concerts et Gabriel Hibert pourrait se faire un nom.

En parlant de nom, Barbarian Koala avait dû faire la grève du neurone le jour où ils se sont malencontreusement appelés ainsi. Pauvre bête. Un groupe de Limoges sortant un digipack 6 titres, Coming Down With a Crash, pour un metalcore enfilant autant de clichés que Dillinger Escape Plan enchaîne de plans différents, osant même une basse slappée sur Koala Fury (le choix des titres, comme le nom des groupes, c'est tout un art). Avec une variété de chants horribles (mention spéciale à celui à moitié growlé censé faire le grand méchant) et qui en fait des tonnes à la Mike Patton. En pire (si si, c'est possible). A se taper sur les cuisses de rire. Tout comme la splendide photo de leur bandcamp sur un magnifique canapé vert.

Quand on prononce Orléans et qu'on est un vieux punk avec un minimum de culture et de la 8.6 à portée de main, on répond tout de suite Burning Heads. Leur label Opposite Prod vient de sortir We May Lack Time, But We Don't Waste It de DevonMiles, c'est à dire, à la surprise générale, un disque de noise torturée et haineux entre Flying Luttenbachers et Dazzling Killmen avec une pointe de Don Caballero dans le chant. Nan, j'déconne. Qu'est ce que vous voulez que ce soit à part du punk-rock mélodique ? Certes, la tendance de DevonMiles berce plus sur l'emo bichonné et bien sous tout rapport mais bordel, ça m'emmerde toujours autant qu'il y a vingt ans. We May Lack Time, But We Don't Waste It ? C'est tout à fait ce que je pense. Suivant.

Miss Dalloway trompe son monde en appelant son premier EP Fuzz Raaga. Failli partir direct en mode freesbee sans retour dans la poubelle. Alors qu'en fait non, c'est du Nirvana déprimé. Epoque Bleach croisée avec une approche stoner, un accordage de guitare très très bas et le fantôme de Kurt Cobain au chant. Du grunge lent, faussement lourd, profondément cafardeux trouvant son apothéose dans le dernier des quatre titres, Hand me a sigh. Et le pire, c'est qu'on ne dit pas non à ce nouveau trio parisien dont on guettera du coin de l'œil les prochaines sorties.



Monoski a mis un temps d'escargot pour arriver jusqu'en Bretagne. No More Revelations (Get A Life), le premier album du duo suisse Monoski, est sorti en mai 2011. Une guitare, une batterie. Un gars, une fille et très peu de possibilités. Rock minimaliste dont on ne saurait pas loin de penser que c'est du mononeurone avec une monoidée, un monoriff et un monorythme pour des menus morceaux et, en fin de descente, un disque multichiant. Mais ce n'est pas le cas. Les deux premiers morceaux mettent les pieds dans le plat rock sudiste/stoner à la guitare grasse, dont le second, Black Lamps, me fait invariablement penser à ZZ Top, va faire un tour dans le bayou qui est, c'est bien connu, omniprésent en Suisse, tout comme les déserts à la chaleur écrasante. Heureusement, Monoski accouche ensuite d'un excellent Dead Horses. Les chants se mélangent, se démultiplient, s'envolent, la batteuse sort le violon, on oublie le sud et le désert, c'est tout aussi répétitif que précédemment mais Monoski n'oublie pas les mots tension et fiévreux dans sa montée. Si tout l'album avait été de ce niveau, No More Revelations n'aurait pas échoué dans cette rubrique. Alors après, forcément, on écoute différemment ce disque. Monoski sort de l'ornière stoner mais sans retrouver la vista de Dead Horses, bricole un piano, tentent d'apporter des variations, des arrangements différents et un parfum plus pop (Everybody's going home) avec toujours ce gros grain de gratte, mais Monoski tombe trop systématiquement dans le beat primaire et le riff élémentaire. La simplicité à l'état brute possède son charme mais aussi ses limites. Monoski, groupe boiteux.

Autre duo, autre guitare-batterie à l'honneur et autre nouveau groupe, BenNasr AlGhandour qui, comme son nom l'indique, vient de Paris. Le EP cinq titres s'appellent Le Bruit Isole (Diptyique records). Et rend sourd. Sauf que celui de BenNasr AlGhandour serait plutôt du genre communicatif et chaleureux. Ce duo naviguerait dans les eaux troubles des Louise Mitchels que ça ne m'étonnerait pas mais je m'avance peut-être. On retrouve en tout cas ce goût prononcé pour un rock-punk noisy jubilatoire et sans prise de tête, quoique légèrement intriqué mais niveau compo, c'est encore jeune et ordinaire, pas de quoi faire exploser les pipelines du noise-rock.

Heartbeat Parade nous fait le coup de Microfilm. Musique instrumentale avec des samples très présents à la place du chant. L'histoire ne dit pas si ce trio (plus ou moins) luxembourgeois passe également les images pendant ses concerts. Heureusement, le post-rock de Heartbeat Parade est autrement plus nerveux, ne la joue planante sur des contrées désertiques que très rarement, s'accompagne parfois d'une trompette ou d'un violoncelle et fait défiler une succession de plans, de contre-pieds, d'arpèges agiles, de bastonnade pointue, de cavalcades effrénées à n'en plus finir pendant quinze titres et un album qui parait interminable. Près d'une heure de ce régime, c'est bien trop et relativement stérile, sec, ne soulevant guère d'enthousiasme particulier. Le nom de cet album (sorti sur Whosbrain et Get A Life) est Hora De Los Hornos (ou L'Heure des Brasiers en français), du nom d'un film documentaire politique argentin de 1968.
Les samples sont à l'avenant et crée une émotion factice. La faim dans le monde, le grand méchant capitalisme, tous les documentaires engagés de Arte ont dû y passer pour un disque sponsorisé par la Sacem, le Gouvernement du Grand Duché de Luxembourg et présent sur tous les réseaux sociaux possibles et inimaginables de la jeunesse conquérante qui n'est pas à une contradiction près.

Maintenant que le chapitre post-rock est abordé, plongeons nous avec délice dans cette mélasse qui finira bien par cesser d'exister un jour. Les nouveaux prétendants viennent du Mans et se nomment Climat. Au moins, il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Vas y donc de tes longues plages instrumentales sur fond de samples, ferme surtout bien les yeux, n'oublie pas les magnifiques montées, les crescendos larmoyants, la haute altitude où tu planes de tout ton être souffreteux et les petites bourrasques de violence qui n'effraieront que les bourgeoises. S.Abran (Syncope Management 2012) est le nom de cet album et franchement, si je venais de cette charmante ville du Mans, j'aurais autrement envie de ruer dans les brancards. Mogwai a décidément fait beaucoup de mal à la jeunesse française.

Torquem, Ansiktet. Ca ressemble à du verlan ou un tirage des Chiffres & des Lettres mais une fois remis dans l'ordre, c'est le nom d'un groupe (Torquem) et le nom d'un album (Ansiktet) et mon tout est un trio en provenance de Paris. L'Elvis Presley de la pochette peut continuer à être de marbre. Ca ne rock pas du tout là-dedans. C'est même la musique parfaite pour son enterrement (je parle du rock). Et si ça peut vaguement se raccrocher du post-rock, c'est uniquement parce que cet album est constitué de sept plages instrumentales bien dociles. Torquem tire surtout vers des atmosphères jazzy avec la présence de cuivres très sages, doucereux et une atmosphère générale cold et surannée, limite musique de chambre. C'est propre, soigné (qui a dit pénible ?) et je suis exactement comme Elvis. De marbre. Et dire que Ansisktet est le premier acte d'une trilogie me fait un petit peu peur.

Peur, Satellite Jockey me fait aussi. Mais pas pour les mêmes raisons. Pensez donc ! De la pop, des noms comme Beatles, David Bowie, Sarah records, shoegaze, du psychédélisme gentillet, 2001 L'Odysée de l'espace, Bambi, Portishead qui vous viennent à l'esprit quand vous écoutez Stars (Another records 2013). Et en plus, ils sont brestois ! Ils ont dû se tromper d'adresse, confondre celle de Merde & Tracas avec Magic ou les Inrocks. Ou alors le Brestois est blagueur en plus d'avoir un fort penchant pour la tisane.





En plus, Another records a eu la main lourde et a glissé deux disques dans le même paquet. Le deuxième est un split 10'' (version cdr) entre Archipel et Babe. Le label, histoire de voler à mon secours, qualifie Archipel de world-pop et Babe, d'electro-pop. Vous voyez d'ici le sourire béat d'un bonheur sans limite se dessiner sur mon visage amaigri devant une telle consécration. Je ne sais pas si l'opération chirurgicale du chanteur d'Archipel est terminée mais j'ai mal pour lui. Quand à l'opération de Gerard Black, alias Babe et membre de François and The Atlas Mountain, elle s'est parfaitement déroulée, Jimmy Somerville a trouvé à qui parler.

L'Homme Puma sont des anciens pensionnaires de la catégorie post-rock instrumental. Une catégorie qui n'a pas que des amis ici mais il eut fallu encore mieux qu'il n'en change pas plutôt que de sombrer corps et âme dans l'electro-pop. Leur nouvel album Bandanascope, produit par le groupe electro Bosco, est donc une pure merveille de synthétiseurs dernier cri, de vocoder, d'un sample pertinent de Britney Spears, de mélodies altières, de rythmes tourmentées jusqu'à l'extase et d'un doigt, le mien et le majeur en l'occurrence, qui se lève pour appuyer sur la touche stop du CD player avant qu'un virus ne contamine définitivement ma chaîne ultra haute technologie qui ne supporte pas la merde.

Dans la catégorie merde qui se cache, le groupe italien Aedi est appelé à la barre. Produit par Alexander Hacke (Einsturzende Neubauten), j'ai cru un très court instant touché le saint Graal, la porte grande ouverte sur la sensation de demain, un monde meilleur où tout le monde se promènerait en soutane, alors que non, ça craint un max. Merci donc à la chanteuse de se prendre tour à tour pour Kate Bush, Enya, Sinead O'Connor, Mike Patton, Romy Schneider et une tête à claque. Qui rime (enfin presque) avec Ha Ta Ka Pa (Gusstaff records 2013), album rococo-baroque à l'originalité suprême comme un défilé chic et follement dingue de Jean-Paul Goude.


Perte et Fracas, bonjour. Te voici en possession du 1er album de Chromb!, autoproduit avec les mains. Te sachant amateur de musiques déviantes (dans le sens christique du terme), on s'est dit que tu l'apprécierais peut-être… peut-être même jusqu'à le chroniquer… Dont acte. Ne croyez pas pour autant, cher Chromb!, que j'apprécie votre musique. C'est une conscience professionnelle aigue et le sens de l'exhaustivité qui dictent ma plume. Sans oublier votre allusion à la religion à laquelle je suis très sensible. Déviante, pour sûr, votre musique l'est. Du rock sans guitare comme vous mentionnez ou du jazz qui rock, c'est toujours un peu bizarre. Cependant, loin de moi la volonté de taxer votre musique de l'affreuse étiquette jazz-rock. Car elle se permet bien des emprunts et des détours. Tellement qu'on s'y perd, parfois, souvent, trop. Ce qui ne l'empêche pas de retomber sur ses pattes qu'elle a un peu folle et de prendre ainsi du plaisir. Notamment tous ces passages où vous jouez la carte de la sobriété plutôt que les envolées lyriques, empilement de piano, synthés, vocoder, bidouilles electro entraînant un esthétisme prog-rock sous-jacent irritant violemment mes croyances, sans oublier ce coté volontairement absurde, voir gentiment débile. Votre disque m'agace donc autant qu'il séduit ou surprend. Je vous remercie néanmoins pour cet envoi. Maintenant que vous connaissez l'adresse, je serais content d'avoir de vos nouvelles.
Post-scriptum : vous féliciterez pour moi Benjamin Flao pour les très belles illustrations.

Caravaggio aime également toucher à tout et il serait très réducteur de les taxer de jazz-rock. D'ailleurs, chez ces gens là, on ne parle pas de rock mais de musique amplifiée, on ne dit pas influence mais codes empruntés, langage musical mais grammaire et #2 n'est pas un album mais un opus réalisé par le label La Buissonne. Chez le groupe, pardon, le meta-instrument Caravaggio, ça sent le diplôme et les grands prix, les conservatoires, les beaux-arts, l'IRCAM, la Villa Medicis par lesquels les quatre musiciens de Caravaggio sont passés et bien plus encore dont je ne soupçonnerais même pas l'existence. Et toutes ses belles décorations se ressentent dans leur musique. Une musique très cérébrale, pensée et composée jusqu'à effacer toutes émotions, tellement parfaite qu'elle en devient chiante comme la mort. Télescopage et superposition gratuite de couches de rock et surtout prog-rock, d'abstraction, de seventies, de musique contemporaine, de traitement électroniques, de jazz, de recherche d'atmosphères planantes où ne survole que l'ennui, une musique de vieux qui essaye de faire jeune. Heureusement que le Grolektif ou les différents groupes de Carton records sont là pour montrer qu'en matière de rencontre de rock et de jazz (pour faire simple), il est possible de faire une vraie musique vivante, énergique et belle sans être absconse et vaine.

Question déviance, Chromb! et Caravaggio apparaissent pourtant comme de petits joueurs face à Nu Creative Methods, duo composé de Pierre Bastien et Benjamin Pruvost à la fin des années 70. Music à la Coque, label italien qui a fait de la déviance musicale sa religion, réédite Superstitions, album uniquement sorti en cassette par ADN Tapes en 1984, plus un inédit. Sous le prétexte que c'est du Pierre Bastien, un certain nombre d'élus vont crier au génie, se gausser de cet enregistrement remâââârquable, sortir des théories fumeuses à propos de cet avant-gardiste plus à l'avant que les avant-gardistes. Mais franchement, se taper cette demi-heure de cacophonie exécutée par des toy piano, xylo drums, hunters harp lute dosso ngoni (??), alto tam sax tam, alarm clock, cornet et électrique guitare (mon dieu, quelle banalité !) jouée avec les dents en sifflotant me donne furieusement envie d'écouter les Ramones. Vous avez aussi le droit de prendre ça pour de la grosse branlette.

Izah persiste et signe. La Hollande, ce pays vert fluo qui suce des Esquimaux, dans le bleu de la nuit sur les canaux, a le droit aussi à l'erreur et ça fout les glandes. Izah aime son hardcore bucolique et messianique. Les dix minutes de son Antagonized rime surtout avec merdique. Dans ses bagages qu'on appelle split (Rising Magma 2012), Izah a amené Fire Walk With Us, autres petits hommes verts. Non seulement Fire Walk With Us n'a pas apporté la lumière de l'indicible à Izah, mais il a fait la douloureuse erreur de ne pas avoir senti le vent tourné depuis des lunes et de se retrouver cramé par deux titres d'un hardcore instrumental daté et ressemblant à feu de broussailles d'une effroyable banalité. Fire Walk With Us mais surtout devant toi, amis bataves.

Le doom. T'as dit ça, t'as déjà presque tout dit. Herscher est un duo basse-batterie et voix de Clermont-Ferrand, Pursuit le nom de leur second EP 6 titres (No Way Asso et Histrion records) et le fait d'avoir enregistré cette entité pseudo-satanique chez le grand manitou suisse Serge Morratel ne change pas grand chose à l'affaire. Il se passe autant d'événements, le suspens est aussi haletant que dans un épisode de l'inspecteur Derrick. D'ailleurs une bande-son doom pour ce bon vieux facho pourrait être très rigolo. Excepté pour le quatrième titre Pursuit où enfin de l'action se met en branle, titillant légèrement les plates-bandes de Godheadsilo, c'est lent, c'est lourd (et encore), c'est répétitif, mets ta capuche, c'est du gentil doom.

J'éprouve de la tendresse pour Mulan Serrico. Comme pour un petit vieux tout chancelant qu'on croise dans la rue et qu'on sait qu'il va crever demain. Mulan Serrico sait aussi que c'est foutu d'avance mais il y va quand même. Des chansons toutes pourries, toutes dégonflées, qui sont ce que la chanson française a connu de mieux depuis La Chanson du Dimanche. En plus morose. Beaucoup plus morose. Mulan Serrico, anagramme de Nicolas Murer, Drosofile passionné et qui a la Gueule Ouverte, a sorti en 2011 sur son label Stochastic, un album nommé Dauphin. J'aime bien les dauphins. Le pire, c'est qu'il continue.


The Nes Nation sont jeunes, sont beaux, sont normands, nouvelle chair fraîche sur l'autel du rock ou, pour être plus exact parce là ça sort de mon domaine de compétences, un rock énergique influencé pop. Sur la base de tempos entraînants, The Nes Nation associe une assise décidée à des airs mélodieux. Ou alors un rock étatique, The Nes Nation bénéficiant dans le cadre d'un soutien aux musiques actuelles, de l'aide du conseil régional et de la direction régionale des affaires culturelles de Basse-Normandie, des conseils généraux du Calvados, de la Manche et de l'Orne. Font-ils pour autant une musique plus mauvaise qu'un groupe non subventionné ? Non, sans doute pas mais j'adore relever ce genre de détails d'un rock qui a perdu sa dimension rebelle depuis très longtemps et qui continue de creuser sans se cacher. Et puis faut bien meubler parce que je n'ai rien d'autres à dire sur cette musique pop-rock très propre sur soi.

Je me souviens d'une anecdote des boss de Sub Pop qui avait décidé d'aller jeter un œil sur un groupe français lors d'un festival en Europe pour mieux se foutre de la gueule de nos compatriotes rockers en général qui n'avaient franchement pas bonne réputation à l'époque. Ce groupe, c'était les Thugs et quelques mois plus tard, Les Thugs signaient chez Sub Pop. Sans doute devaient ils s'attendre à tomber sur un groupe comme les Wendy's Surrender car là, effectivement, ya matière à faire du french bashing. En 1990, le punk-hardcore mélodique de ce groupe de Besançon aurait déjà eu l'air anachronique et mal fagoté. En plus, en mettant le sample d'un dialogue de C'est arrivé près de chez vous et la recette du petit Grégory, on touche le fond (si je puis dire) en matière de clichés sur ce Hold on for Victory.

Ou alors pire, ils auraient pu tomber sur God is Gay. Je tiens d'ailleurs à présenter toutes mes excuses à Api Uiz et la famille des Potagers Natures. J'avais malencontreusement mentionné leurs noms lors du premier album des bordelais de God is Gay. Je ne peux imaginer un seul instant que Api Uiz & Co se cachent ou gravitent, de près ou de loin, derrière le deuxième album Tourne pour rien (Salle d'attente de l'Amour 2012). J'ai d'abord crû à une blague mais non, ça m'a l'air tout ce qu'il y a de plus sérieux. Electro-pop fadasse (pléonasme) et variétoche dont la grandeur des paroles atteignent le degré de philosophie de Boule de Flipper par Corynne Charby pour la bande-son de Plus Bête la Vie.

Ca creuse toujours au fond de la mine et ce n'est pas près de finir.

Tête de Gondole (08/07/2013)

 

 



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