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C’est déjà le troisième album, voir quatre avec le 10’’ Songs For The Golden Hour depuis 2013 pour le collectif hollandais King Champion Sounds dont un double en dernier lieu, To Awake In That Heaven Of Freedom. Depuis que Ajay Saggar a repris du service et crée cette nouvelle entité, plus rien n’arrête la troupe, l’inspiration coule à flot, c’est abondance dans le jardin des tulipes.
Une générosité qui se traduit par une musique toujours aussi singulière, hydre à multiples têtes avançant comme un seul homme malgré la disparité des morceaux, la richesse des ambiances et les nombreux invités qui assistent les sept musiciens de King Champion Sounds à temps complet. Steve Gunn, BJ Nilsen, Imaad Wasif (Lowercase) ou encore Merinde Verbeek au chant apportent leur modeste obole et étoffent le socle déjà très fourni. C’est la base de King Champion Sounds, son sacerdoce. Nous abreuver de sonorités sans jamais frôler, même de loin, l’overdose, composer une palette sonore et d’approches stylistiques qui en font un des groupes les plus intéressants de ces dernières années.

Alors oui, il y a à boire et à manger, tous les goûts sont dans la nature comme dit Hannibal Lecter et vous ne goûterez sans doute pas tous les plats. Pour ma part, il faut toujours un peu de temps pour bien digérer un disque de KCS, en comprendre toutes les saveurs complexes mais il finit toujours par flatter le palais.
For A Lark (Pour Une Alouette en français) plume les plus craintifs, dégaine flûte, trombone, trompette, saxo ténor et alto, violon, un instrument hindou (Tanpura), synthé, omnichord, melodica, harmonium, toute une quincaillerie ambulante utilisée à bon escient pour se délecter de la finesse des arrangements et vibrer à l’unisson. Même le chanteur principal GW Sok n’est pas seul et est secondé, plus souvent qu’à l’accoutumée, par les voix et chœurs féminins de Verbeek ou Holly Habstritt Gaal. De la douceur et de la mélodie qui peuvent surprendre de prime abord mais s’équilibrant parfaitement avec la scansion de Sok, une touche supplémentaire à l’orchestre protéiforme de KCS.
For A Lark recentre le propos des Hollandais qui sont logiquement plus consistant et sans temps faible par rapport au double album précédent. Dans les ambiances légères aux contours pop ou les teintes beaucoup plus sombres et intriquées, Saggar et sa bande répondent présent avec la même dextérité. Le groupe passe allègrement d’un instrumental jazzy exotique fort élégant et envoûtant (Om Bhur Bhuvah Svah) à une pièce expérimentale électronique avec une masse sonore travaillée par BJ Nilsen (Mirror The Soul), pénètre votre inconscient avec la rêverie Memory Is Imagined flirtant avec le cauchemar sur fond de narration inquiétante de Imaad Wasif, enfonce le clou avec les huit minutes de This, Mate, morceau phare et foisonnant, aussi noir que lumineux sur la deuxième partie avec la voix de Sok s’effaçant au profit de chants féminins croisant les mélodies.
C’est pour mieux repartir sur un groove imparable, se réchauffer sous la bienveillance des cuivres, onduler du bassin sur de bonnes grosses lignes de basse, se perdre dans le dédale de dizaines de sonorités gravitant autour des mélodies principales, se laisser malaxer sans peur par l’originalité des morceaux. King Champion Sounds est multiple mais jamais ne vous laisse sur le bord de la route. Le voyage est mouvementé, accidenté, d’une merveilleuse limpidité, entraînant. Il s’y passe toujours quelque chose, que ça vous plaise ou non. Et surtout King Champion Sounds suit sa propre route, loin des grands axes embouteillés et rien que pour ça, For A Lark est un disque important.







Le Paradiso est une fameuse salle de concerts établie à Amsterdam depuis 1968. En 2015, le Paradiso a crée son Paradiso Vinyl Club et le single de King Champion Sounds est la 25ème référence qui normalement s’obtient uniquement en souscrivant un abonnement à ce Vinyl Club. Heureusement, il existe des moyens détournés pour arriver au Graal. King Champion Sounds, jamais avare de compositions, offre trois inédits dans le sillage de For A Lark. C’est toujours aussi hétéroclite, toujours aussi unique entre le pressé Red Ladder Day, l’instrumental Cinecitta qui s’amuse avec des sons de tous les jours pour les assembler dans une construction cinématographique, ce qui tombe bien puisque Cinecitta est comme vous le savez un célèbre ensemble de studios de cinéma à Rome. Face B, Pity Mall se taille la part du lion avec un mélange dont KCS a le secret entre groove sensuel, coloration hip-hop, gimmick de piano obsédant, chants multiples qui se répondent et cuivres qui emballent le tout. Un single sobrement dédicacé à Mark E. Smith.

SKX (09/03/2019)