Weasel Walter/Fred Lonberg-Holm/Jim O'Rourke/
Tribute To Masayuki Takayanagi - CD
Grob records 2000
Weasel Walter/Kevin Drumm/ Fred Lonberg-Holm
Eruption - CD
Grob records 2003

L'ultime album des Flying Luttenbachers a fait et fera encore couler beaucoup d'encre, au moins à Perte & Fracas nous avons joué le jeu de la transparence des faux-culs en donnant à lire deux avis divergents sur Incarceration By Abstraction, une technique éditoriale digne des pages cinéma de Télérama, un grand magazine culturel comme on n'en fait plus : on peut donc constater que si l'analyse est presque la même, les conclusions sont diamétralement opposées. Parce que la mauvaise foi n'a pas de limite, et grâce à cette irrépressible volonté de tendre vers un idéal d'exhaustivité, voici la chronique de deux disques de Weasel Walter en trio et publiés au début du millénaire, il y a déjà un petite éternité donc mais l'appréhension de la musique n'étant qu'une question elliptique on s'en fout un peu.
Comme son nom l'indique, Tribute To Masayuki Takayanagi est un disque hommage à ce grand guitariste japonais de free jazz (son seul équivalent occidental serait le nord américain Sonny Sharrock) qui en a influencé plus d'un. Otomo Yoshihide se plait toujours à raconter comment, alors qu'il n'était qu'un gamin, il passait des nuits entières à regarder Masayuki Takayanagi jouer comme un fou. Au passage, le label PSF propose une quantité impressionnante d'enregistrements du guitariste, notamment avec sa formation New Directions -il faut juste faire attention à la qualité, souvent très variable, de ces disques le plus souvent capturés en concert. Mais revenons à notre trio Walter/O'Rourke/Lonberg-Holm : oui le nom du petit Jim a de quoi en faire frémir plus d'un mais ici il se comporte très bien, il faut dire qu'il est imparablement épaulé par le non moins petit Fred qui s'y connaît comme personne pour faire crisser désagréablement une corde de violoncelle. Le grand Weasel Walter est impérial de débordements, comme dirait le boss il en fout de partout et j'aime ça -pilonnage à la grosse caisse, jeu octopode de cymbales, caisse claire directement dans les tympans. Ce CD s'achève sur une plage ambiante et (très) dark histoire de bien faire comprendre de quel côté de la force obscure se trouve le trio. A noter également une pochette parodique façon black metal pour garçons bouchers amateurs de bondage et des photos au recto particulièrement réussies, Jim O'Rourke le fait très bien en Euronymous. Le recto indique également : infernal improvised music, play loud and die. OK pour moi.
Que l'on se rassure tout de suite, Eruption n'est pas un hommage à Eddie Van Halen. Sur ce deuxième disque, le petit Kevin remplace Jim sûrement trop occupé à l'époque à jouer avec Sonic Youth. Autre changement, au lieu d'avoir à supporter des titres longs en roue libre, Eruption semble jouer la carte du court instantané -quarante missiles il est vrai regroupés en trois parties : Blood, Excrement et Mania. Le tout a été prétendument enregistré en une après-midi de l'année 2002, en fait nos trois gaillards ont purement et simplement laissé tourner la bande et ont édité l'ensemble en quarante pistes après coup. Donc le résultat est le même que sur Tribute To Masayuki Takayanagi et donc n'est guère beaucoup mieux pour nos nerfs.
Eruption est d'un abord plus sec que son prédécesseur. Blood donne cette impression de branlette qui rebute, la faute sûrement à Kevin Drumm qui y joue plus du dispositif à bordel (cassettes, micros, synthés, pédales d'effet, etc) que de la guitare. Même Weasel Walter se prend au jeu minutieux du point de croix destructuré. En deuxième position, Excrement remet les pendules à l'heure, il y a non seulement de la guitare mais surtout un Weasel Walter qui attaque sévère. Mania, la troisième et dernière partie du disque, oscille entre ces deux pôles : l'impro pixelisée et le barouf généralisé. L'aspect nitendo est très présent, certains passages catapultent sans crier gare mais des accalmies trop attentistes et narcissiques viennent un peu gâcher le plaisir. Eruption est donc un disque moins immédiat, plus cérébral (?) et un peu plus hermétique. Mais il a tout aussi pour réjouir les fans de Walter, comme les plages n°15 à 19, dignes des plus grands moments des Flying Luttenbachers, le miel progressif en moins.

Haz (03/02/08)