chaser
decoherence


Chaser
Planned Obsolescence – LP
Decoherence records 2024

Après un premier album en 2018 passé totalement inaperçu par nos services spécialisés (ou plus exactement qui est resté dormir sur le disque dur de nos services surchargés), Chaser revient avec Planned Obsolescence. Ce qui n’est donc apparemment pas leur cas malgré six années de silence qui n’ont pas eu raison du fonctionnement du groupe new-yorkais. À peine un changement d’engrenage avec le remplacement de la guitariste Ava Mendoza par Chris Welcome. Chaser y gagne donc en allègement et démonstration guitaristique bien que le Welcome ne soit pas le premier venu en maniement de manche à six cordes. Venant du milieu jazz et de la musique improvisée, il aurait de quoi étaler sa dextérité. Tout comme la bassiste Shayna Dulberger. Si son background l’envoie avec sa contrebasse également dans les hautes sphères du jazz où on ne compte plus ses collaborations de haut-vol, elle opte ici pour une basse électrique et l’attitude qui va avec. Ce qu’elle a déjà eu l’occasion d’expérimenter au sein de Cellular Chaos. On s’attend donc à voir débarquer Weasel Walter à chaque instant, ce qui ne serait pas étonnant puisque Welcome s’est frotté auparavant à lui au sein de Flying Luttenbachers. Quand en plus, vous avez un Oran Canfield, le batteur de Child Abuse, au générique avec Dominika Em (alias Michalowska) au chant et autre spécialiste des musique déviantes (Nebadon, Angel Of Retribution plus un disque avec également le gourou des Luttenbachers), vous savez que Chaser ne va pas être un animal de tout repos.
Mais ce qui est bien avec toutes ces personnes hautement qualifiées et tordues, c’est l’esprit rock et belliqueux qui les anime. Faire mal en un minimum de temps, excepté sur les cinq minutes de Deadbeat Debtor avec un furieux ramonage en profondeur pour faire fuir les rats, causer des ravages sans s’appesantir, sans en faire des tonnes dans l’étalage de leurs forces techniques. Planned Obsolescence est un second album s’inscrivant dans un courant no-wave/punk furibard et strident mais avec des élans mélodiques dans le chant tout aussi surprenant que bien vu. Et puis un groupe qui nomme un morceau Willpower ne peut être que pertinent. Ce n’est pas une reprise de Today Is The Day, juste une compo juteuse et percutante et qui lui a valu d’être mise en valeur par une vidéo. Mais c’est tout Planned Obsolescence qui percute avec un batteur s’y connaissant pour sévèrement secouer son instrument, une basse élastique, une rythmique aussi à l’aise dans le matraquage en règle que pour instaurer un swing musclé et inventif. Le guitariste s’abstient de tous riffs conventionnels et balance tirades vicieuses sur gerbes perçantes avec des pics accrocheurs bien placés vrillant durablement le cerveau. La voix ferait presque office de contraste apaisant avec un chant bien plus audible et sous contrôle qu’on aurait pu le penser, bien que la dame lâche de petits cris aigus intempestifs pour faire bonne mesure. Planned Obsolescence, dans un territoire interlope entre un Flying Luttenbachers version épurée et acérée et un Arab On Radar en mode terminal combat qui fait grincer les genoux. Et sans ce goût de la censure contrairement à la pochette qui, dans la vraie vie, ne propose pas le prude décolleté de la dame s’affichant pourtant sur la version numérique.

SKX (30/04/2024)